mardi 31 juillet 2012

Chris Marker

"Rare Marker", Libération, le 5 mars 2003
Par Samuel DOUHAIRE et Annick RIVOIRE


Le cinéaste a accepté le principe d'un long entretien avec Libération, par e-mail et en kit: quatre thèmes, dix questions par thème. Il n'a pas répondu à toutes, mais ces douze feuillets, par instants «carrément dostoïevskiens», nous comblent.
Chris MarkerCinéma, photo-roman, CD-Rom, installations vidéo, DVD. Y a-t-il un support que vous n'ayez tenté?
La gouache.
Pourquoi avoir accepté l'édition en DVD de quelques films, selon quel choix?
Vingt ans séparent la Jetée de Sans soleil. Et encore vingt ans jusqu'à présent. Dans ces conditions, parler au nom de celui qui a fait ces films, ce n'est pas une interview, c'est du spiritisme. En fait je crois bien n'avoir ni accepté, ni choisi ; quelqu'un en a parlé, et ça s'est fait. Qu'il y ait une certaine relation entre les deux films, je le savais, mais je ne voyais pas la nécessité de m'expliquer... Jusqu'à ce que je trouve dans un programme publié à Tokyo une petite note anonyme qui disait : «Bientôt le voyage approche de sa fin... C'est alors seulement que nous saurons que la juxtaposition des images avait un sens. Nous nous apercevrons que nous avons prié avec lui, comme il convient dans un pèlerinage, chaque fois que nous assistions à la mort, au cimetière des chats, devant la girafe morte, devant les kamikazes au moment de l'envol, devant les guérilleros morts dans la guerre d'Indépendance... Dans la Jetée, l'expérience téméraire de recherche de la survie dans le futur se termine par la mort. En traitant le même sujet vingt ans après, Marker a surmonté la mort par la prière.» Lorsqu'on lit ça, écrit par quelqu'un qui ne vous connaît pas, qui ne sait rien de la genèse des films, on éprouve une petite émotion. «Quelque chose» a passé.
Quand «Immemory», votre CD-Rom, est sorti en 1999, vous disiez avoir trouvé dans le multimédia le support idéal. Que pensez-vous du DVD?
Dans le CD-Rom, ce n'est pas tellement le support qui compte, c'est l'architecture, l'arborescence, le jeu. On fera des DVD-Rom. Le support DVD est évidemment superbe, mais ce n'est toujours pas du cinéma. Godard l'a martelé une fois pour toutes : au cinéma on lève les yeux, devant la télé, la vidéo, on les baisse. Plus le rôle de l'obturateur. Sur deux heures passées dans une salle de cinéma, on a passé une heure dans la nuit. C'est cette part nocturne qui nous accompagne, qui «fixe» notre souvenir du film d'une façon différente du même film vu à la télé ou sur un moniteur. Cela dit, soyons honnêtes. Je viens de regarder le ballet d'Un Américain à Paris sur l'écran de mon iBook, et j'ai quasiment retrouvé l'allégresse que nous éprouvions à Londres en 1950, avec Resnais et Cloquet, pendant le tournage des Statues meurent aussi, lorsque tous les matins, à la séance de 10 heures du cinéma de Leicester Square, nous commencions la journée de travail en revoyant le film. Une allégresse que je croyais avoir définitivement perdue en le visionnant sur cassette.

«Les outils et la nécessité sont indispensables»

La démocratisation des outils de fabrication du cinéma (DV, montage numérique, circuits de diffusion via l'Internet...) séduit-elle le cinéaste engagé que vous êtes?
Bonne occasion de décoller une étiquette qui m'encombre. Pour beaucoup de gens, «engagé» veut dire «politique», et la politique, art du compromis (ce qui est tout à son honneur, hors du compromis il n'y a que les rapports de force brute, on en voit quelque chose en ce moment...), m'ennuie profondément. Ce qui me passionne, c'est l'Histoire, et la politique m'intéresse seulement dans la mesure où elle est la coupe de l'Histoire dans le présent. Avec une curiosité récurrente (si je m'identifie à un personnage de Kipling, c'est l'enfant-d'éléphant des Just so stories, à cause de son «insatiable curiosité») : mais comment font les gens pour vivre dans un monde pareil ? D'où ma manie d'aller voir «comment ça se passe» ici ou là. Comment ça se passe, pendant longtemps ceux qui étaient le mieux placés pour l'exprimer ne disposaient pas d'outils pour donner une forme à leur témoignage ­ et le témoignage brut, ça s'use. Et voilà que maintenant les outils existent. C'est vrai que pour les gens comme moi c'est une boucle bouclée. J'ai écrit là-dessus, dans le livret du DVD, un petit texte de mise au point que vous arriverez peut-être à caser quelque part (lire ci-dessous).
Un bémol nécessaire : la «démocratisation des outils» affranchit de beaucoup de contraintes techniques et financières, elle n'affranchit pas de la contrainte du travail. La possession d'une caméra DV ne confère pas par magie du talent à celui qui n'en a pas, ou qui est trop flemmard pour se demander s'il en a. On pourra miniaturiser tant qu'on veut, un film demandera toujours beaucoup, beaucoup de travail. Et une raison de le faire. C'est toute l'histoire des groupes Medvedkine, ces jeunes ouvriers qui dans l'après-68 entreprenaient de faire des petits sujets sur leur propre vie, et que nous tentions d'aider sur le plan technique, avec les moyens de l'époque. Qu'est-ce qu'ils râlaient ! «On rentre du boulot, et vous nous demandez encore de bosser...» Mais ils s'accrochaient, et il faut croire que là encore, quelque chose a passé, puisque trente ans plus tard on les a vus présenter leurs films au festival de Belfort, devant des spectateurs attentifs. Les moyens de l'époque, c'était le 16 mm non synchrone, donc les trois minutes d'autonomie, le laboratoire, la table de montage, les solutions à trouver pour ajouter du son, tout ce qui est là aujourd'hui, compacté à l'intérieur d'un bidule qui tient dans la main.
Petite leçon de modestie à l'usage des enfants gâtés, tout comme ceux de 1970 avaient reçu leur leçon de modestie (et d'histoire) en se mettant sous le patronage d'Alexandre Ivanovitch Medvedkine et de son ciné-train. A l'usage des jeunes générations : Medvedkine est ce cinéaste russe qui en 1936 et avec les moyens de son époque à lui (film 35 mm, montage et labo installés dans le train même) inventait en somme la télévision : tourner le jour, tirer et monter pendant la nuit, projeter le lendemain aux gens même qu'il avait filmés, et qui souvent avaient participé au tournage.
Je crois bien que c'est cette histoire fabuleuse et longtemps ignorée (dans «le Sadoul», considéré en son temps comme la Bible du cinéma soviétique, Medvedkine n'était même pas nommé), qui sous-tend une grande part de mon travail, peut-être la seule cohérente après tout. Essayer de donner la parole aux gens qui ne l'ont pas, et quand c'est possible les aider à trouver leurs moyens d'expression. C'était les ouvriers de 1967 à la Rhodia, mais aussi les Kosovars que j'ai filmés en l'an 2000, qu'on n'avait jamais entendus à la télévision : tout le monde parlait en leur nom, mais une fois qu'ils n'étaient plus en sang et en larmes sur les routes ils n'intéressaient personne. C'était les jeunes apprentis cinéastes de Guinée-Bissau à qui, à ma grande surprise, je me trouvais en train d'expliquer le montage du Cuirassé Potemkine sur une vieille copie aux bobines rouillées ­ et qui maintenant ont leurs longs métrages sélectionnés à Venise (guettez la prochaine comédie musicale de Flora Gomes...).
J'ai encore retrouvé le syndrome Medvedkine dans un camp de réfugiés bosniaques en 1993, des mômes qui avaient appris tous les trucs de la télé, avec présentateurs et génériques à effet, en piratant sur le satellite et grâce à un peu de matos offert par une ONG ­ mais qui ne copiaient pas le langage dominant, ils en utilisaient les codes pour être crédibles et se réappropriaient l'information à l'usage des autres réfugiés. Une expérience exemplaire. Ils avaient les outils, et ils avaient la nécessité. Les deux sont indispensables.

«Je me mets à voir des films en baissant les yeux»

Etes-vous plutôt télévision, films sur grand écran, butinage sur Internet?
J'ai un rapport complètement schizoïde avec la télé. Lorsque je me crois seul au monde, je l'adore, surtout depuis qu'il y a le câble. C'est même curieux de voir avec quelle précision le câble offre le catalogue des antidotes aux poisons télévisuels. Une chaîne passe un téléfilm ridicule sur Napoléon, on file sur Histoire écouter les méchancetés formidablement intelligentes d'Henri Guillemin. On a subi dans une émission littéraire le défilé des monstresses à la mode, on court sur Mezzo contempler le beau visage lumineux d'Hélène Grimaud au milieu de ses loups, et c'est comme si les autres n'avaient jamais existé...
Maintenant il y a les moments où je me souviens que je ne suis pas seul au monde, et là je m'effondre. La progression exponentielle de la bêtise et de la vulgarité, tout le monde la constate, mais ça ne relève pas seulement d'un vague sentiment de dégoût, c'est une donnée concrète, chiffrable (on pourrait la mesurer au volume des «ouah !» qui saluent les animateurs, et qui a monté d'un nombre alarmant de décibels depuis cinq ans) et qui relève du crime contre l'humanité. Sans parler de l'agression permanente contre la langue française.
Et puisque vous travaillez mon penchant russe à la confession, il faut que je dise le pire : je suis publiphobe. Au début des sixties, c'était très bien vu, depuis c'est devenu littéralement inavouable. Je n'y peux rien. Cette façon de mettre le mécanisme de la calomnie au service de l'éloge m'a toujours hérissé ­ même si je reconnais que ce mécénat diabolique donne quelquefois les plus belles images qu'on puisse regarder sur un petit écran (vous avez vu le David Lynch avec les lèvres bleues ?). Petite consolation dans le vocabulaire : il arrive que les cyniques s'y trahissent. Bronchant tout de même devant le terme de créateur, ils ont inventé celui de «créatif», et là je trouve que l'inconscient n'a pas mal fonctionné. On imagine bien ce que seraient, par exemple, des «gladiatifs».
Et les films dans tout ça?
Pour les raisons exposées plus haut, sous la houlette de Jean-Luc, j'ai longtemps professé que les films devaient être vus d'abord en salle, la télé et le magnétoscope n'étant là que pour rafraîchir la mémoire. Maintenant que je n'ai plus du tout le temps d'aller au cinéma, je me mets à voir des films en baissant les yeux, avec un sentiment grandissant de péché (cet entretien devient carrément dostoïevskien...). Mais à vrai dire je ne regarde plus beaucoup de films, excepté ceux de mes amis, ou des bizarreries qu'un copain américain enregistre pour moi sur TCM. Il y a trop à voir dans l'actualité, dans les reportages, sur les chaînes Musique déjà mentionnées, ou sur l'irremplaçable chaîne Animaux. Et mon besoin de fiction s'alimente à ce qui en est de loin la source la plus accomplie : les formidables séries américaines, style The Practice. Là il y a un savoir, un sens du récit, du raccourci, de l'ellipse, une science du cadrage et du montage, une dramaturgie et un jeu des acteurs qui n'ont d'équivalent nulle part, et surtout pas à Hollywood.
«La Jetée» a inspiré un clip à David Bowie, un film à Terry Gilliam, il existe un bar «la Jetée» au Japon. Que vous inspire ce culte? L'imaginaire de Terry Gilliam rejoint-il le vôtre ?
Affiche de La Jetée, 1962
L'imaginaire de Terry est assez riche pour qu'on n'ait pas besoin de jouer aux comparaisons. Ce qui est certain, c'est que pour moi Twelve Monkeys est un film magnifique (il y a des gens qui croient me faire plaisir en disant que non, que la Jetée est beaucoup mieux, le monde est bizarre) et que c'est justement un de ces avatars heureux, comme le clip de Bowie, comme le bar de Shinjuku (salut Tomoyo ! ­ dire que depuis quarante ans, toutes les nuits des Japonais se beurrent allégrement au-dessous de mes images, ça vaut tous les oscars !) qui ont accompagné le destin un peu particulier de ce film. Comme il s'est fait pour ainsi dire en écriture automatique ­ je tournais le Joli Mai, j'étais complètement immergé dans la réalité de Paris 1962 et la découverte un peu grisante du cinéma direct (vous ne me ferez jamais dire «cinéma vérité»...) et le jour de repos de l'équipe, je photographiais une histoire à laquelle je ne comprenais pas grand'chose, c'est au montage que les pièces du puzzle se sont rassemblées, et ce n'est pas moi qui avais dessiné le puzzle ­, j'aurais du mal à en tirer une quelconque vanité. C'est arrivé, c'est tout.

«Le "bruit" finit par tout recouvrir»

Vous êtes un témoin de l'Histoire. Vous intéressez-vous toujours à la marche du monde? Qu'est-ce qui vous fait bondir, réagir, pleurer?


Nouvelles Peu ExemplairesIl y a en ce moment des raisons de bondir assez évidentes, et si largement partagées qu'on n'a pas tellement envie d'en rajouter. Restent les petites rages personnelles. 2002 aura été pour moi l'année d'un échec qui ne passe pas. Ça commence par un flash-back, comme dans la Comtesse aux pieds nus. De tous nos amis des années 40, François Vernet était celui que nous considérions tous comme un futur très grand écrivain. Il avait déjà publié trois livres, et le quatrième allait être un recueil de nouvelles qu'il écrivait à chaud, pendant l'Occupation, avec une vigueur et une insolence qui ne lui laissaient évidemment aucune chance en face de la censure. Le livre n'a été publié qu'en 1945. Entretemps, François était mort à Dachau. Bon, il n'est pas question de chantage au martyre, ce n'est pas le genre de la maison. Même si cette mort frappe d'une espèce de sceau symbolique une destinée déjà singulière et son «vol arrêté», comme aurait dit Vissotsky, les textes eux-mêmes sont d'une qualité si rare qu'on n'a pas besoin de raisons autres que littéraires pour les aimer et les faire aimer. François Maspero ne s'y est pas trompé, qui a consacré un article superbe aux Nouvelles peu Exemplaires «traversant le temps sans autre lest qu'une extrême légèreté de l'être». Car l'an dernier un éditeur courageux, Michel Reynaud (Tirésias) s'était enthousiasmé pour le livre et avait pris le risque de le rééditer. Je me suis échiné à mobiliser tous les gens que je connaissais, pas pour qu'on en fasse l'événement de la saison, faut pas rêver, mais simplement pour qu'on en parle. Et non, il y a trop de livres à la saison des prix. Maspero excepté, zéro, pas un mot dans la presse. Voilà pour l'échec.

Réaction trop personnelle? Le hasard fait qu'elle s'est doublée d'une autre qui lui ressemble, et à laquelle aucun lien d'amitié ne me rattache. La même année a vu l'édition, par les disques Capriccio, d'un nouveau disque de Viktor Ullmann.

Viktor Ullmann
Viktor Ullmann
Sous son nom seul, cette fois. Auparavant, lui et Gideon Klein avaient été publiés parmi «les compositeurs de Theresienstadt» (à l'usage des jeunes générations : Theresienstadt était ce camp-vitrine destiné aux visites de la Croix-Rouge dont les nazis avaient fait un film, le Führer offre une ville aux juifs). Avec les meilleures intentions du monde, c'était une façon de les remettre dans le camp. Si Messiaen était mort après avoir composé le Quatuor pour la fin du temps, est-ce qu'il serait le «compositeur des camps de prisonniers» ?
Ce disque est bouleversant: il contient des lieder sur des textes de Hölderlin et Rilke et on est saisi de cette idée proprement vertigineuse qu'à ce moment-là, personne ne glorifie davantage la véritable culture allemande que ce musicien juif qui va bientôt mourir à Auschwitz. Là, ce n'a pas été le silence total, juste quelques lignes élogieuses dans les rubriques culturelles. Est-ce que ça ne valait pas davantage ? Alors ce qui me met en rage, ce n'est pas que la couverture médiatique, comme on dit, soit réservée en général à des gens que personnellement je trouve plutôt médiocres, c'est une affaire d'opinion et je ne leur veux aucun mal. C'est que la montée du «bruit», au sens électronique, finit par tout recouvrir, et aboutir au monopole, comme les grandes surfaces viennent à bout des petites épiceries. Que l'écrivain méconnu et le musicien génial aient droit à la même sollicitude que l'épicier du coin, c'est peut-être trop demander. Et puisque vous m'avez tendu la perche, j'ajouterai encore un nom à ma petite liste des injustices de l'année : on n'a pas assez parlé du plus beau livre que j'ai lu depuis longtemps, des nouvelles encore : la Fiancée d'Odessa, d'Edgardo Cozarinsky.
Les voyages à répétition vous ont-ils prévenu contre les dogmatismes?
Je crois que j'étais prévenu à ma naissance. J'avais dû beaucoup voyager avant.

La dialectique de la concurrence et de l'emploi

Editorial, Le Monde, le 23.07.2012.

L'entendez-vous monter, cette petite musique ? Avec leurs mots, bien différents, François Hollande et Arnaud Montebourg ont entonné la même mélodie. Pour le président et le ministre du redressement productif, trop de concurrence tuerait l'emploi. "Il y a une conception de la concurrence qui a fait qu'au nom des consommateurs on a fini par affaiblir les producteurs, dénonçait François Hollande le 12 juin devant le Conseil économique, social et environnemental. Or s'il n'y a pas de producteurs, vous trouverez difficilement après des consommateurs."

Il ne s'agit pas d'être naïf sur ce terrain où la concurrence entre les entreprises du monde entier n'est pas un théâtre de bonnes manières. Mais on ne peut pas à la fois pleurer sur la concurrence déloyale des pays dont les marchés publics sont fermés aux entreprises européennes et estimer que le respect de ces règles n'est finalement pas si important sur notre territoire. Les PME régionales ont autant à perdre des oligopoles nationaux que nos champions face aux marchés lointains dont ils sont exclus.

Ce n'est pas une posture idéologique que d'estimer que le capitalisme et sa traduction concrète, le libre marché, ne peuvent être laissés sans garde-fous, sans règles et donc sans gendarme pour les faire respecter. L'actualité récente nous l'a crûment rappelé dans tous les domaines : la finance, la santé, la grande distribution, etc.

Même l'audiovisuel est concerné. En témoignent les deux décisions de l'Autorité de la concurrence rendues sur Canal+ lundi 23 juillet. Les rachats de Direct 8, Direct Star et surtout de TPS sont autorisés en contrepartie d'engagements contraignants. Le groupe de télévision payante aura beau jeu d'y voir des entraves au moment où la chaîne qatarie Al- Jazira vient lui disputer les droits TV du football. Mais la protection des monopoles ou des oligopoles n'a jamais été créatrice d'emplois. Dans la télévision payante comme ailleurs.

Aux Etats-Unis, la concentration dans les télécoms a coûté 400 000 emplois en dix ans, soit 30 % des effectifs. Et la facture des ménages y est deux fois plus chère qu'en Europe. Ni les consommateurs ni les salariés n'y ont gagné. Au point que Barack Obama a souhaité revigorer les agences fédérales de la concurrence.

En France, l'Autorité de la concurrence, l'Autorité de sûreté nucléaire ou encore l'Arcep, pour les télécoms, ont chacune montré dans leur domaine combien leur indépendance était essentielle à leur prudence et au respect qu'inspirent leurs décisions. Même pour les entreprises qui s'en plaignent, ces autorités offrent une stabilité des règles, et de leur application, que les changements de majorité politique ne peuvent garantir. Or l'investissement des entreprises, et donc l'emploi, dépend souvent davantage de la stabilité des curseurs juridiques ou fiscaux que de leur niveau. Rien n'interdit à un gouvernement de faire des choix politiques en faveur de telle ou telle industrie. Mais pour appliquer la loi, mieux vaut s'en remettre à ces autorités indépendantes.

Vel’ d’Hiv’ : « les sept erreurs de François Hollande »

Marianne.fr, Roland Hureaux, le 31.07.2012.

Après le discours de François Hollande, le 22 juillet dernier, associant «la France» aux crimes de Vichy, la polémique et le débat ont pris de l'ampleur. Cette fois, c'est l'historien franco-israélien, Alain Michel, qui revient sur le discours de Hollande. Selon lui, le chef de l'Etat a commis «sept erreurs» qu'il convient de rappeler.

(François Hollande, le 22 juillet 2012 - SITTLER-POOL/SIPA)
(François Hollande, le 22 juillet 2012 - SITTLER-POOL/SIPA)
Même s’il n’a fait que reprendre la thèse de Jacques Chirac, le discours de François Hollande du 22 juillet 2012 commémorant la rafle du Vel’ d’Hiv’ n’a pas fini de faire des vagues. A la critique de plusieurs personnalités gaullistes et de Jean-Pierre Chevènement, on peut ajouter celle d’un historien franco-israélien, Alain Michel, auteur de «Vichy et la Shoah, enquête sur le paradoxe français», préfacé par Richard Prasquier (ed. CLD), qui pointe dans ce discours les «sept erreurs de François Hollande».
A la différence des gaullistes, l’auteur ne cherche pas à savoir où se trouvait alors le gouvernement légitime de la France, à Londres ou à Vichy. Rappelant le fait que les autorités de Londres, pas plus que la plupart de mouvements résistants, n’ont pas protesté contre ces rafles (on pourrait en dire autant de Roosevelt et Churchill), il nuance dans un sens moins accablant le rôle de Vichy.  
S’il est vrai que Pétain s’efforça d’épargner les Juifs français, on peut cependant rappeler que si Vichy n’avait pas, hors de toute contrainte de l’occupant, instauré dès 1940 un statut des Juifs,  les rafles auraient été bien plus difficiles. Cependant, Alain Michel rappelle opportunément que la Convention de Genève sur le droit de la guerre — toujours en vigueur — place ipso facto les forces de polices des pays occupés sous les ordres de l’autorité occupante. 
Les sept erreurs de François Hollande, selon l’historien :  
1 - François Hollande : Une directive claire avait été donnée par l'administration de Vichy : «Les enfants ne doivent pas partir dans les mêmes convois que les parents».
Alain Michel : La manière dont François Hollande présente les faits (la séparation des enfants de leurs parents dans les camps du Loiret avant la déportation) est doublement erronée.
Tout d’abord il ne s’agit pas d’une directive du gouvernement collaborationniste de Vichy. L’organisation de la déportation se déroule dans un dialogue et une coopération entre l’administration policière de la «zone occupée» et les autorités allemandes, plus précisément les représentants d’Eichmann à Paris. Il n’y a aucune intervention de Vichy sur cette question.
De plus la décision de déporter les enfants vient des Allemands et la séparation des parents et des enfants découle de leur besoin de faire partir les convois alors qu’ils n’ont pas encore l’autorisation de Berlin d’envoyer les enfants. Pour résumer, la police de la «zone occupée» applique des directives allemandes.
2 - François Hollande : Je tiens à rappeler les mots que le Grand rabbin de France Jacob Kaplan adressa au maréchal Pétain en octobre 1940, après la promulgation de l'odieux statut des Juifs : «Victimes, écrivait-il, de mesures qui nous atteignent dans notre dignité d'hommes et dans notre honneur de Français, nous exprimons notre foi profonde en l'esprit de justice de la France éternelle…» 
AM : Première précision, Jacob Kaplan n’est pas Grand rabbin de France, il ne le deviendra qu’en 1954. Mais surtout, la déclaration d’attachement patriotique de Jacob Kaplan n’a rien à voir avec la rafle de 1942. D’une part du fait que la Solution finale n’existe pas encore en 1940 et ce qui préoccupe alors Jacob Kaplan est l’antisémitisme français ; d’autre part, parce que, sous la pression du gouvernement de Vichy, aucun adulte français (ou d’origine algérienne) n’a été arrêté lors de la rafle de juillet 1942, alors que Jacob Kaplan, dans sa déclaration d’amour à la France, s’exprime au nom des Juifs français et d’eux seuls.
3 - François Hollande : La vérité, c'est que la police française, sur la base des listes qu'elle avait elle-même établies, s'est chargée d'arrêter les milliers d'innocents pris au piège le 16 juillet 1942. C'est que la gendarmerie française les a escortés jusqu'aux camps d'internement. La vérité, c'est que pas un soldat allemand, pas un seul, ne fut mobilisé pour l'ensemble de l'opération. La vérité, c'est que ce crime fut commis en France, par la France.
AM : Il y a une confusion dans le fait que la police française de la «zone occupée» a établi des listes en octobre 1940 sur demande allemande et non de sa propre initiative comme la phrase semble le suggérer. Effectivement, les soldats allemands ne seront jamais mobilisés en France pour arrêter des Juifs. La Gestapo sait bien avant la rafle qu’elle peut compter sur la police de la zone nord, qui lui obéit du fait de l’application de la convention de la Haye et de la convention d’armistice. Plus de 8 000 Juifs ont déjà été arrêtés en 1941 dans la région parisienne et les Allemands se sont toujours servis de la police française pour ces rafles. Pour résumer, François Hollande aurait pu dire : «La vérité, c’est que ce crime fut commis en France par les nazis avec la complicité de la police et de l’administration française».
4- François Hollande : L'honneur fut sauvé par les Justes, et au-delà par tous ceux qui surent s'élever contre la barbarie, par ces héros anonymes qui, ici, cachèrent un voisin ; qui, là, en aidèrent un autre ; qui risquèrent leurs vies pour que soient épargnées celles des innocents. Par tous ces Français qui ont permis que survivent les trois quarts des Juifs de France.
AM : Cette affirmation est incomplète dans la mesure où ce ne sont pas seulement les Justes et les héros anonymes qui ont sauvé les trois quarts des Juifs de France, mais aussi l’action et les choix politiques du gouvernement de Vichy qui, en tentant de protéger les Juifs français (et en abandonnant à leur sort les Juifs d’origine étrangère), a considérablement ralenti la machine de destruction allemande (voir les historiens Léon Poliakov et Raul Hilberg).
5- François Hollande : L'honneur de la France était incarné par le général de Gaulle qui s'était dressé le 18 juin 1940 pour continuer le combat.
AM : Il ne convient pas, dans une cérémonie consacrée à la persécution des Juifs, de citer le général de Gaulle qui n’a rien dit et rien fait pendant la Seconde Guerre mondiale pour encourager les Français à sauver les Juifs.
6 - François Hollande : L'honneur de la France était défendu par la Résistance, cette armée des ombres qui ne se résigna pas à la honte et à la défaite.
AM : De même, la Résistance en tant qu’organisme n’a rien fait et rien dit pour sauver les Juifs ou encourager à les sauver, à l’exception de Témoignage chrétien et des Mouvements de résistance juifs (communistes et communautaires). Certes des résistants, en tant qu’individus, ont sauvé des Juifs, mais jamais sur instruction de leurs mouvements.
7- François Hollande : L'enjeu est de lutter sans relâche contre toutes les formes de falsification de l'Histoire. Non seulement contre l'outrage du négationnisme, mais aussi contre la tentation du relativisme.
AM : Le président de la République met sur le même plan le «négationnisme», qui consiste à nier l’évidence (la réalité de la Shoah) et se présente comme une anti-histoire, et les approches d’historiens qui remettent en cause certaines interprétations idéologiques, en relativisant ce qui s’est passé en France par rapport à ce qui s’est passé ailleurs en Europe.
Cette confusion entre «négationnisme» et «relativisme» est de nature à indigner les citoyens épris de vérité. Elle illustre une tentative d’imposer une histoire officielle et d’empêcher la libre recherche historique.

A Marseille, les petits voyous ne font plus dans l'amateurisme

Marianne2.fr, Ismaël Mereghetti, le 30.07.2012.

Dimanche 29 juillet, un homme de 25 ans a été abattu en plein jour à la kalachnikov dans une cité marseillaise, avec en toile de fond, le trafic de stupéfiants. Il s'agit du seizième assassinat à Marseille depuis le début de l'année 2012. Ce genre de règlement de compte spectaculaire donne à la ville l'aspect d'une jungle urbaine.

(Un extrait du film Scarface-AP SIPA)
(Un extrait du film Scarface-AP SIPA)
Salim Brahima, 25 ans, a été touché par une rafale de kalachnikov dimanche 29 juillet, un peu avant 17 heures, devant son immeuble de la cité des Lauriers dans le 13e arrondissement. L'homme, d'origine comorienne, n'était pas inconnu des services de police, puisque il aurait déjà été interpellé à dix-sept reprises pour trafic de stupéfiants. Au total, dans la cité phocéenne, une cinquantaine d'homicides ont été commis en l'espace de quatre ans, visant à chaque fois des individus plus ou moins impliqués dans le trafic de drogue. Mais surprise : ces statistiques, bien qu'élevées, ne sont pas exceptionnelles pour le banditisme marseillais et même hexagonal. En revanche, ces crimes sont de plus en plus médiatisés, notamment parce qu'ils ont changé de nature.

On oppose souvent les bandits d'honneur d'antan aux gangs actuels, évoluant quasiment dans une jungle urbaine. Et il y a du vrai dans cette opposition : le banditisme à Marseille vient désormais de cités en voie d'extrême paupérisation, gangrénées par le chômage et où l'économie informelle a pris le pas sur l'économie réelle. Le facteur aggravant, c'est que ces gangs n'ont pas de chefs et qu'il y a autant de gangs que de cités, soit environ 150. De tous côtés, chacun monte son «plan stups» (trafic de stupéfiants) et la lutte pour le territoire est permanente. D'autant que les sommes en jeu se révèlent assez impressionnantes. Selon le journaliste José D’Arrigo, co-auteur d’un livre sur Tony Zampa, l'un des derniers parrains du milieu marseillais, «les autorités estiment qu’un plan stups rapporte de 8.000 à 10.000 euros par jour dans une cité».

Par ailleurs, comme l'explique Xavier Monnier, journaliste qui prépare actuellement un livre sur le milieu marseillais, «les jeunes des cités montent en grade rapidement. En 3 mois vous pouvez passer de simple chauffeur à caïd faisant des go-fast (transports de drogue entre l'Espagne et la France dans de grosses cylindrées) et ayant son propre plan stups. Le roulement est intense et la concurrence rude. Par conséquent, les règlements de compte se multiplient car le business n'est pas structuré.»

Fantasmes

La fracture entre truands à l'ancienne et nouveaux bandits n'est malgré tout pas aussi nette que certains le prétendent. On est loin de l'amateurisme avec les gangs de cité, contrairement à ce que l'on peut entendre ici ou là. En témoigne le mode opératoire du meurtre commis dimanche : certes la kalachnikov a remplacé le traditionnel colt 45, mais le reste semble inchangé. Quelques minutes après l'attaque, la police a retrouvé un fourgon cramé, technique classique du grand banditisme. Pour Xavier Monnier, «les deux mondes — la voyoucratie des cités et la pègre — ne sont pas imperméables et entretiennent de plus en plus de liens. Les différences ne sont pas si flagrantes que cela, d'autant que le banditisme à l'ancienne n'était pas si propre que cela»

A Marseille, le banditisme et les règlements de compte sont très médiatisés. La ville nourrit en effet beaucoup de fantasmes, alimentés par le cinéma ou la télévision, de «Borsalino» avec Belmondo à la «French Connection» en passant par «Plus belle la vie». Pourtant, ces crimes sont loin d'être une spécificité phocéenne. Selon les experts, les règlements de compte sont peu ou prou aussi nombreux qu'en région parisienne, mais sont moins spectatulaires et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord la proximité géographique: à Marseille, les cités se situent à l'intérieur de la ville, et non en banlieue, ce qui augmente le caractère dramatique de l'acte dans la conscience collective. Par ailleurs, en Ile-de-France, le «milieu» est plus installé et structuré, et le contexte de guerre ouverte permanente entre les gangs est moins pregnant. Enfin, l'âge particulièrement bas des victimes à Marseille, souvent la vingtaine, est un facteur capital de la médiatisation.
Ces deux derniers mois un certain nombre d'arrestations de caïds marseillais, auteurs d'homicide, ont été réalisées. C'est le cas de Mohamed, 24 ans, alias «Lamine», suspecté d'un triple meurtre lié aux trafics de drogue en décembre dernier. Selon les autorités phocéennes, ces arrestations pourraient également susciter une vague de violences dans les semaines à venir.

lundi 30 juillet 2012

Ce qu'il y a de bling-bling dans un banal accident de cheville

Le Monde,  le 30.07.2012.

François Fillon se fracture la cheville dans un accident de scooter

L'ancien premier ministre français François Fillon s'est fracturé la cheville dans un accident de scooter dimanche après-midi sur l'île de Capri, en face de Naples, a-t-on appris lundi 30 juillet auprès de son entourage. Ce passionné de rallye automobile était seul sur son deux-roues lorsqu'il en a perdu le contrôle. Il a glissé sur la chaussée en freinant et le scooter en tombant lui a écrasé le pied.

Hamann Ferrari F430M. Fillon, 58 ans, a d'abord été soigné aux urgences de la petite île avant d'être transporté à la clinique romaine Villa Stuart, où il a été opéré. Il était arrivé jeudi à Capri, où il passait le week-end chez le président de Ferrari, Luca di Montezemolo. Ce dernier a pris un hélicoptère lundi pour lui rendre visite à la clinique.

Interrogé par l'AFP, un porte-parole de la Villa Stuart a qualifié l'opération de M. Fillon de "très complexe". "C'était une mauvaise fracture, mais l'opération est un succès", a ajouté Paolo Brandimarte. Son entourage avait indiqué dans un premier temps que la blessure se situait au niveau du pied, avant de préciser par la suite qu'il s'agissait de la cheville. La Villa Stuart est un établissement de réputation internationale où ont été soignés entre autres les footballeurs italien Francesco Totti et français Philippe Mexès.

UN RAPATRIEMENT EN FRANCE DANS LES PROCHAINS JOURS

M. Fillon devrait sortir de la clinique mardi matin. "Pendant une période qui n'est pas encore déterminée, il devra marcher avec des béquilles", a ajouté le porte-parole. "Il sera rapatrié en France dans les prochains jours", a indiqué son entourage.
L'ancien premier ministre de Nicolas Sarkozy est un candidat déclaré à la présidence de son parti, l'UMP (Union pour un mouvement populaire), et rien ne figure à son agenda politique avant le 19 août, mais la reprise de ses activités pourrait être perturbée par cette blessure. "De toutes les façons, il reprendra sa campagne, on verra à quel moment et dans quelles conditions", a précisé son entourage.
De son côté, interrogé par l'AFP, l'entourage de Jean-François Copé a indiqué que le secrétaire général de l'UMP avait appelé son futur rival pour la présidence du parti et lui avait laissé un message sur son téléphone portable pour lui souhaiter un "prompt rétablissement".

Délocalisation de centres d'appels : Hollande assure que "les règles ont été respectées"

Le Monde, 27.07.2012.

François Hollande a affirmé vendredi 27 juillet que les "règles ont été respectés" par l'autorité organisatrice des transports en Ile-de-France (STIF), qui a attibué une partie de ses relations clients à un prestataire implanté au Maroc. "Il y a des règles en matière de marchés publics, elle ont été respectées dans ce cas", a affirmé le chef de l'Etat, interrogé par la presse lors d'une visite chez Valeo dans les Yvelines.

Présidé par le président socialiste de la région Ile-de-France, Jean-Paul Huchon, le STIF a choisi, sur appel d'offres, pour ses relations clients, un prestataire disposant d'une plateforme téléphonique au Maroc, menaçant de facto 80 emplois en France, affirme Le Parisien-Aujourd'hui en France.
Sur le fond, le chef de l'Etat, qui ne se dit pas "favorable à une surenchère protectionniste", estime que le problème réside dans les règles en vigueur concernant les appels d'offres. M. Hollande a tout de même appelé "tous les acteurs publics à la responsabilité" pour favoriser le marché français.

HUCHON : LE STIF "N'A EU D'AUTRE CHOIX"

Peu avant, le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, a indiqué avoir demandé à M. Huchon de "reconsidérer la décision" d'accorder à un prestataire disposant d'une plateforme au Maroc le marché des relations clients jusqu'ici assuré en France."J'ai dit à M. Huchon qu'il était utile de reconsidérer la décision en remettant l'appel d'offres sur le métier", a expliqué M. Montebourg sur Europe 1.
M. Montebourg a souhaité que "dans les services publics, dans la commande publique, nous ne soyons pas prisonniers de règles qui contribuent à délocaliser les emplois". Le gouvernement se bat "pour les relocaliser, ce n'est pas pour accepter qu'on les délocalise", a-t-il poursuivi. Le ministre souhaite justement rapatrier certains centres d'appels marocains en France.

Le STIF "n'a eu d'autre choix" que d'attribuer un marché à un prestataire disposant d'une plateforme téléphonique au Maroc en raison du code des marchés publics, a écrit M. Huchon à M. Montebourg dans un courrier daté du 11 juillet, et dont l'AFP a eu copie vendredi.

"PLUS AVANTAGEUX SUR LE PRIX"

"C'est la première fois qu'un marché public de relation client va partir à l'étranger, à l'heure où le gouvernement essaie de rapatrier les opérateurs télécoms en France", a dénoncé le coprésident de Webhelp, Philippe Jousset. La société qui détient ce marché jusqu'au 1er février 2014, a indiqué que la région avait jusqu'à samedi pour changer d'avis.

M. Jousset explique que le conseil d'administration du STIF a "suivi l'avis d'une commission technique de donner le marché à un confrère plus avantageux sur le prix". Les coûts sont deux fois moins élevés au Maroc qu'en France, a-t-il souligné. "Si la décision du STIF est confirmée, nous n'aurons pas d'autre choix que de faire un plan de sauvegarde de l'emploi", a poursuivi le coprésident de Webhelp. Ce dernier a écrit au président du STIF, Jean-Paul Huchon, et à Arnaud Montebourg, pour leur demander de revenir sur cette décision "au nom de l'intérêt général".
La société Webhelp travaillait depuis 2006 pour le STIF dans le cadre d'un marché public de trois ans, renouvelé en 2009. Elle possède deux centres téléphoniques employant quatre-vingts personnes assurant les relations avec les clients ayant droit à des réductions ou à la gratuité des transports en Ile-de-France via un numéro azur. Ces centres sont situés à Saint-Avold (Moselle) et Fontenay-le-Comte (Vendée), deux villes de moins de 20 000 habitants.

"EN APPLICATION DU CODE DES MARCHÉS PUBLICS"

De son côté, un élu administrateur du STIF, le socialiste Philippe Sainsard, a estimé qu'"aucun élément ne permet de revenir sur cette décision". "Je confirme que le marché a été pris en application du code des marchés publics, a-t-il expliqué. Un débat a eu lieu en commission, mais aucun élément ne nous permet de revenir sur cette décision." "Nous avons alerté les services de l'Etat sur cette situation", a-t-il ajouté.

Du côté de l'opposition, l'ex-ministre UMP, Valérie Pécresse, chef de file de l'opposition au conseil régional d'Ile-de-France a dénoncé dans un communiqué (PDF) "le double langage de la région en matière d'emploi". Le groupe UMP, qui assure avoir voté contre ce marché, en juillet, demande à M. Huchon "d'étudier immédiatement toutes les voies de droit pour relancer ce marché avec pour objectif de préserver l'emploi en France, qui doit être la priorité".
Les professionnels des centres d'appels sont inquiets, car les délocalisations dans ce secteur menacent de nombreux emplois dans l'Hexagone.

 Afin de garantir l'emploi du secteur des télécoms en France, le gouvernement évoque plusieurs pistes. L'Etat pourrait notamment demander le rapatriement d'une partie des centres d'appels, délocalisés au Maghreb pour des raisons de coûts, en échange de l'instauration d'une hotline payante. Le gouvernement doit présenter à la rentrée ses mesures de soutien à la filière.

samedi 28 juillet 2012

Alep, "Mère de toutes les batailles"

Le Monde, AFP, Reuters, 27.07.2012.

Le journal proche du régime, Al-Watan, parle de "la mère de toutes les batailles" : les rebelles se préparent ce vendredi à une grande offensive de l'armée contre la ville après l'ouverture le 20 juillet d'un nouveau front à Alep.
Dès les premières heures, vendredi 27 juillet, les forces armées ont repris les bombardements terrestres et aériens sur différents quartiers de la ville, préparant cet assaut décisif contre les rebelles. Les habitants, eux, fuyaient en masse, les femmes et les enfants surtout, le plus souvent à bord de camionnettes.




Un combattant de l'Armée syrienne libre, à Alep le 25 juillet.

Dans le même temps, 1 500 à 2 000 rebelles sont venus prêter main-forte à quelque 2 000 de leurs camarades dans la ville, a déclaré la source de sécurité, précisant que les insurgés tenaient des quartiers périphériques du sud et de l'est et les routes menant à l'aéroport. Le porte-parole de l'Armée syrienne libre (ASL) – formée de déserteurs – à Alep a fait état de l'arrivée de 100 chars de l'armée régulière et de nombreux véhicules militaires. 
Les rebelles syriens ont affirmé vendredi avoir capturé une centaine de soldats et de miliciens pro-régime à Alep, dans une vidéo diffusée sur Internet. On y voit une centaine de personnes assises au sol, en civil, filmées par un homme se présentant comme membre de l'ASL, qui leur demande de s'identifier tour à tour. La plupart disent être membres des troupes gouvernementales ou des milices pro-régime et avoir été capturés à Alep.


Les rebelles ont également annoncé avoir capturé 50 militaires de l'armée syrienne, dont 14 officiers, à Maaret Al-Nomane, dans la province d'Idleb, dans le nord-ouest du pays, a rapporté vendredi l'OSDH. "Après douze heures d'affrontements, les rebelles ont détruit un poste de la sécurité militaire et capturé 50 militaires du régime, dont 14 officiers", a affirmé par téléphone à l'agence AFP le président de l'OSDH.

"Soulèvement des deux capitales, la guerre de libération continue" est le slogan des manifestations prévues ce jour à l'appel des militants de l'opposition qui ne semblent pas découragés par les violences ayant fait plus de 19 000 morts depuis le début de la révolte en mars 2011 selon une ONG syrienne. Jeudi, la répression et les combats ont fait 164 morts dont 84 civils, 43 soldats et 37 rebelles.

NOUVELLE DÉFECTION
En outre, une nouvelle défection en Syrie est venue grossir la liste de dignitaires du régime déserteurs. C'est cette fois-ci une députée représentant la province d'Alep qui a annoncé qu'elle partait en Turquie. Elle est la quatrième parlementaire à faire défection depuis le début de la révolte lancée en mars 2011 contre le président Assad.

"J'ai traversé la frontière turque et quitté ce régime tyrannique en raison de la répression et de la torture sauvage auxquelles il soumet une nation qui réclame des droits minimaux", a-t-elle expliqué à Sky News Arabia. Ikhlas Al-Badaoui siégeait dans l'assemblée élue en mai et qui, dominée par le Parti baassiste de Bachar Al-Assad, sert pour l'essentiel de chambre d'enregistrement des décisions du pouvoir.




1 500 à 2 000 rebelles sont venus prêter main-forte à quelque 2 000 de leurs camarades dans la ville.
Il y a deux semaines, Naouaf Al-Farès, l'ex-ambassadeur syrien à Bagdad, a également fait défection et s'est réfugié au Qatar. Farès, qui est aussi ancien chef du Parti baassiste dans la province orientale de Deir Ez-Zor, serait un proche de Manaf Tlass, le général de la garde républicaine et membre du premier cercle de Bachar Al-Assad, qui a lui aussi rompu avec le régime et dit jeudi vouloir rassembler l'opposition.

Les Pinçon-Charlot : « La guerre des classes s’accompagne d’une guerre psychologique »

Politis, 16 Septembre 2011.

Le couple Pinçon-Charlot, deux sociologues de la grande bourgeoisie, réédite une version augmentée de « Le président des riches ». L’ouvrage examine point par point les contours de « l’oligarchie » qui gouverne la France. Entretien.


Gonflé à bloc par le « grand bonheur » de se sentir « en phase avec la société », Monique Pinçon-Charlot, Michel Pinçon et leur « Enquête sur l’oligarchie dans la France de Nicolas Sarkozy » ont retrouvé ce 15 septembre les têtes de gondoles. Un an après sa parution, « Le président des riches » a été réédité en poche, augmenté d’une analyse des récentes affaires (Lagarde-Tapie, Woerth-Bettencourt, Mediator) et d’une promenade sociologique au Grand Prix de Diane à Chantilly, fief de l’emblématique Éric Woerth. « Un orage est prêt à éclater » estime le duo, au terme d’un an de rencontre et de débat avec leurs lecteurs dans toute la France.

Politis.fr : Comment analysez-vous le succès de votre ouvrage ?

Monique Pinçon-Charlot : Il y a une sorte de brouillard idéologique. Les mots que nous mettons sur ce que vivent les gens adoucissent considérablement leurs souffrances, car nous regardons les choses avec des lunettes très spécifiques. Pour nous les riches mènent une « guerre des classes », qui vise à réduire au minimum les coûts du travail. Ils utilisent la dette et le déficit comme armes pour détruire les services publics, maintenir des salaires bas... Nous avons rencontré une très lourde inquiétude.

Politis.fr : Dans la « guerre des classes » qui se joue selon vous aujourd’hui, la « conscience de classe » n’existe que du côté des dominants...

Michel Pinçon : Oui, la bourgeoisie fonctionne en réseau avec des interconnexions très fortes entre les familles. Il existe un militantisme insoupçonné mais très efficace, sur les problèmes urbains par exemple.
La conscience de classe se traduit aussi dans les urnes. Les beaux quartiers ont voté en masse pour Nicolas Sarkozy, tandis que les votes sont dispersés dans les quartiers populaires. Il n’existe pas la même unité idéologique, la même conscience politique, que dans la bourgeoisie.

Politis.fr : Guéant qui multiplie les sorties aux accents xénophobes, la « Droite populaire » qui organise un « apéro saucisson vin rouge »... Les discours extrémistes s’adressent-ils aux riches ?

Michel Pinçon : Les discours xénophobes existent dans la bourgeoisie, mais l’élite cohabite surtout avec des ambassadeurs, des hommes d’affaires. Les étrangers que les riches côtoient ne sont pas dans la même situation sociologique que dans les quartiers populaires.

Monique Pinçon-Charlot : Le vote Front National à Neuilly est d’ailleurs extrêmement bas. Le discours de Sarkozy s’adresse surtout aux milieux populaires. C’est la stratégie du « diviser pour mieux régner ». La droite crée des boucs émissaires pour détourner l’attention des vrais problèmes.

Politis.fr : Comment jugez-vous le positionnement idéologique et politique de la gauche ?

Monique Pinçon-Charlot : Ce qui est terrible, c’est que le principal parti de gauche, le Parti socialiste, a fait énormément pour sauver le système et installer le capitalisme spéculatif et financier, dans sa phase néolibérale. Le Parti socialiste a trahi les valeurs de gauche.

Michel Pinçon : Nous sommes dans un régime censitaire : à l’Assemblée, 1 % seulement des élus sont d’anciens ouvriers ou employés alors que ce groupe représente 54 % de la population active. Au même moment, l’abstention est proche de 80 % dans certaines cités. En somme, tout se passe comme si pour être élu comme pour voter, il fallait appartenir aux milieux favorisés.

Politis.fr : Vous parlez d’une suprématie idéologique des libéraux depuis 30 ans. Les catégories populaires ont-elles finalement intégré ce schéma de pensée ?

Monique Pinçon-Charlot : Évidemment, mais cela s’est fait malgré elles. La guerre des classes s’accompagne d’une guerre psychologique.

Bourdieu photographe documentariste en Algérie

Par Stéphane couturier, Lunettes Rouges: Lunettes.rouges.blog.lemonde.fr

Pierre Bourdieu, Palestro

C'est une exposition assez ambiguë que celles des photographies que Pierre Bourdieu prit en Algérie, où il fit son service militaire (1955-57), puis fut enseignant à la Faculté d'Alger (1957-60) (Le Jeu de Paume au Château de Tours, jusqu'au 4 novembre). L'exposition a d'abord été montrée en 2003, peu après son décès, à l'Institut du Monde Arabe, et au Kunsthaus de Graz, sous l'égide de Camera Austria et de la Fondation Bourdieu, basée à Saint-Gall en Suisse. Le catalogue a été réimprimé pour l'occasion, il reprend des extraits de ses divers textes sur l'Algérie, et une interview de 2001 avec Franz Schultheis. J'ai soudain réalisé que je visitais cette exposition le jour du cinquantième anniversaire de l'indépendance (moi qui en avais fêté le 20ème anniversaire là-bas).


Pierre Bourdieu, Algérie

Pendant cette période, Bourdieu, alors âgé de moins de 30 ans, se cherche. Sursitaire, il a été appelé sous les drapeaux, non point par punition comme il le dit dans le film projeté dans l'expo, mais parce que, à 25 ans, il est mobilisable comme toute sa classe d'âge. Il n'est pas en première ligne, au combat, mais il est affecté d'abord à la garde d'un dépôt, puis, pistonné auprès du Résident Général Robert Lacoste, Béarnais comme lui, détaché au cabinet militaire du Gouvernement Général à Alger comme rédacteur. À la différence de bien des appelés du contingent, il ne prend pas de photographies pendant son service, et ne s'en est guère expliqué ('je ne pouvais pas'). Opposé intellectuellement à la guerre (il a été surpris en possession d'un numéro censuré de l'Express), il ne milite pas activement

Pierre Bourdieu, Centre de regroupement de Cheraïa en construction contre elle, contrairement à certains de ses condisciples, ce n'est pas un 'porteur de valises' (ce n'est que vingt ans plus tard qu'il deviendra l'archétype de l'intellectuel engagé), mais, une fois libéré et devenu assistant à la faculté, il va témoigner. Philosophe de formation, il s'oriente alors vers la sociologie et s'essaie à l'ethnologie, encore qu'il reconnaît n'en avoir guère respecté
guère
les règles (il ne tient pas de journal et ne maintient guère de 'distance' avec son sujet); on peut contraster ses méthodes avec, par exemple, celles de Jean Duvignaud à Chebika quelques années plus tard. Quelque peu démuni face à cet immense 'laboratoire social' qu'est alors l'Algérie, conscient des périls potentiels du fait de la guerre (même s'il ne fut jamais en véritable danger lui-même), parfois un peu naïf face aux bienfaits supposés de l'ALN (par exemple sur la levée des impôts et les prêts, p.56/57), il fait feu de tout bois, en 'sociologue de circonstance', témoin engagé plus qu'enquêteur dépassionné, en rupture avec ce qu'il nomme la 'sociologie bureaucratique'. Cette expérience algérienne est fondatrice de l'approche du monde social qu'il développera au cours de sa carrière, et plusieurs de ses concepts futurs y trouvent leurs racines, même si son approche photographique semble alors assez décalée par rapport au regard critique qu'il portera ensuite sur la photographie lors de l'enquête qu'il fit pour Kodak à son retour en France, et qui aboutit à  'Un art moyen' (livre qui, bizarrement, n'est pas en vente à la librairie de l'exposition). Pas de réflexion non plus sur les limites de la photographie, sur le doute qui peut en émaner (je pensais alors au travail de l'Israélienne Ariella Azoulay sur l'illusion photographique).
Donc, pendant ses enquêtes de terrain, Bourdieu photographie essentiellement pour documenter ses recherches (même si l'indexation des photos, lieux et dates, laissent à désirer, à la différence, par exemple de celles de Germaine Tillion au même moment). Pas de reportage, pas de photographies de la guerre, des destructions, des morts et des blessés, pas d'actualités. Bon nombre de ses photographies sont des images volées : il abandonne le Leica à viseur pour utiliser un Zeiss Ikoflex, tenu sur le ventre, qui lui permet de photographier sans être vu, à la dérobée. Beaucoup de ses personnages sont pris de dos, en cachette.

Pierre Bourdieu, Foire d'Alger, avril 1959

Certaines photographies sont pittoresques, voire amusantes, cartes postales confrontant la modernité et la tradition, un de ses thèmes de prédilection, comme cette femme voilée sur un scooter ou ces femmes buvant un café à la Foire d'Alger en avril 1959. Si ses réflexions sur l'habitat et le déracinement sont déjà remarquables, son discours sur les rapports hommes-femmes, et la manière dont la guerre les modifie, semble un peu simpliste : même s'il cite Germaine Tillion (et non pas Tillon, p.29), il ne reprend que marginalement ses explications sur le voile, et son analyse de la différence de la démarche de chacun des sexes (citation du 'Sens pratique', p.99-101) semble plus poétique que scientifique. Quant à son analyse des 'tabous' (la femme du côté de l'humide, le tabou masculin du balai, etc.), elle semble un peu légère. Mais il est philosophe, et sociologue 'autodidacte', pas ethnologue de métier (ni psychologue, d'ailleurs, même s'il évoque les Rorschach*; on se prend à rêver à ce qu'auraient pu être des photographies de Frantz Fanon...)


Pierre Bourdieu, Blida

Bourdieu photographe semble toujours osciller entre empathie familière et distance scientifique : tantôt, sans doute assis à une table en terrasse, il peut prendre une série de photos des passants à un carrefour de Blida en 1960 et réaliser ainsi un travail documentaire extrêmement intéressant sur la rue algérienne; idem pour ses vues des camps de regroupement (où le concept d'habitus commence à apparaître). A contrario, ses photographies d'enfants posant et jouant devant lui (ou celles de la circoncision à Collo) montrent une proximité, une tendresse et un engagement passionné auprès des Algériens colonisés.


Pierre Bourdieu, Cheraïa

Ces photos n'avaient qu'un but documentaire et Bourdieu n'avait jamais voulu les montrer 'par peur d'être taxé de vouloir faire l'artiste'. Même si elles sont, pour la plupart (et vu l'environnement) bien composées, leur intérêt reste néanmoins essentiellement documentaire. Dans l'exposition, je feuilletais, dans la salle de documentation, l'album de Marc Garanger, lui aussi confronté (et de manière bien plus violente) à la réalité coloniale : la différence était flagrante.

*"Mon pauvre Bourdieu, avec les pauvres instruments que tu as, tu n'es pas à la hauteur, il faudrait tout savoir, tout comprendre, la psychanalyse, l'économie" (p.29)

Photos courtoisie du Jeu de Paume (et Camera Austria), (c) Pierre Bourdieu / Fondation Bourdieu

La Répression en Syrie






Pour la démocratie, un référendum sur le nouveau traité

Par Patrick Le Hyaric, directeur de l'Humanité, député au Parlement européen.

L'Humanité lance une pétition "pour un référendum sur le nouveau traité budgétaire". Pour le directeur de l'Humanité et député au Parlement européen, "le peuple doit-il être tenu à l’écart de ce débat crucial qui concerne l’égalité et la justice, le choix des politiques économiques et sociales, le rejet de l’austérité comme moyen de sortir de la crise ?"

Rien ne servirait de mettre en place, d’un côté, une commission sur la démocratisation de la vie politique, en enlevant, de l’autre, aux parlementaires, jusqu’au droit de décider du budget de la ­nation et de la Sécurité sociale. C’est pourtant ce qui se passerait avec l’acceptation du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union économique et ­monétaire (TSCG). Pire, si la Commission européenne considère, demain, que l’État ne réduit pas suffisamment et assez vite ses déficits, un « mécanisme de correction sera ­déclenché ­automatiquement ».

Le 25 juin 1992, le Conseil constitutionnel, chargé de donner un avis sur la ­compatibilité du traité de Maastricht avec la Constitution française, avait conclu à la nécessité d’une révision constitutionnelle car le traité « portait atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale ». Ce raisonnement est encore plus vrai aujourd’hui. La combinaison du traité ­d’austérité budgétaire et de deux règlements (le Two-Pack) en cours d’adoption entre le Conseil et le ­Parlement européen constitue non seulement un recul de la souveraineté ­nationale, mais aussi une perte sans précédent de la souveraineté populaire. Car ce ne serait plus les représentants élus directement par le peuple qui décideraient des choix budgétaires ainsi que des orientations économiques et sociales, mais la Commission de Bruxelles et le Conseil, en dernier ressort.

La chose est si sérieuse que le président de la République a déféré, le 12 juillet dernier, le texte du traité pour avis au Conseil constitutionnel. Il s’est toujours dit opposé à « l’inscription de l’obligation d’équilibre budgétaire dans la Constitution ». Mais aucun tour de passe-passe ne peut effacer que l’application du traité oblige de facto à une « règle d’équilibre budgétaire », « au moyen de ­dispositions contraignantes, permanentes et de préférence constitutionnelles ». En ­dernier ressort, c’est la Cour de justice européenne qui jugera de la validité des choix juridiques décidés par les États. Qu’on le veuille ou non, cela s’appelle la « règle d’or », que prétendait ­refuser le candidat ­socialiste en campagne. Faire voter une loi organique, c’est-à-dire de portée supérieure à toutes les autres, ne viserait qu’à cacher le fait qu’on ne l’inscrive pas directement dans la Constitution. Mais cela reviendrait au même puisque la loi ­organique est une loi complétant la ­Constitution.

Le souverain est le peuple. Doit-il être tenu à l’écart de ce débat crucial qui concerne l’égalité et la justice, le choix des politiques économiques et sociales, le rejet de l’austérité comme moyen de sortir de la crise ? Les principes ­démocratiques fondamentaux conduisent à répondre non. Dans ces conditions, un débat public doit avoir lieu sur ce traité et le rôle de la France dans l’action pour changer l’Europe. Ce débat doit être sanctionné par une consultation populaire sur l’acceptation ou non du traité austéritaire. L’enjeu est crucial. Au moment où l’expérience montre ­dramatiquement que les précédents traités conduisent l’Europe et les peuples à se fracasser contre le mur de l’argent et les enfoncent toujours plus dans la crise, la confrontation publique est indispensable. La démocratie doit être restaurée, les parlements respectés. Il en va de la possibilité ou pas de ­mener une politique de gauche quand la majorité des électeurs la choisissent.

On ne peut à la fois ­défendre la nécessité de la démocratisation de l’Union européenne et faire ratifier un tel traité sans débat public et sans consulter les citoyens. La question ne serait pas de se prononcer « pour ou contre » l’Europe, mais, au contraire, elle porterait sur les ­orientations ­politiques, sociales, écologiques, ­culturelles, de la construction européenne afin de redonner un nouveau sens à une Union qui, telle qu’elle est, conduit les ­populations du continent à se détourner d’elle.

 

Extrait de "Un été à Alger"

Prends ta Place! Amina Zoubir, Libération













A Alger ce sont plutôt les hommes qui occupent les cafés, comme le veut la tradition des cafés maures. Amina Zoubir invite des femmes à prendre leur place, en investissant un café le temps d’un après-midi, et ça change complètement le décor ! A vous de voir.
http://un-ete-a-alger.liberation.fr/#/prends-ta-place

Extrait des Chroniques Vénézuéliennes de J. Ortiz

Chroniques vénézuéliennes, par Jean Ortiz. A deux mois des élections présidentielles, état des lieux du Venezuela treize années après l'arrivée au pouvoir de Hugo Chavez. Aujourd'hui : "Au bout de la piste, la Révolution".
État de Barinas, état natal du président Chavez. Nous avons choisi de fuir les sentiers battus; la plupart des journalistes les emprunteront en septembre pour dénigrer les changements en cours au Venezuela.
Après un trajet de cahots poussiéreux sur une mauvaise piste, nous arrivons à la ferme La Guayana, dans le municipio Ezequiel Zamora, chez un petit producteur aidé par la Federation bolivarienne des éleveurs et agriculteurs du Venezuela (FEGAVEN). Il y a quelques années, un grand propriétaire possédait ici 9000 hectares. La révolution lui en a confisqué 4000, pour les redistribuer aux paysans. Dans les endroits les plus reculés, cohabitent les vieilles masures paysannes avec les maisonnettes en dur, "chavistes", et construites récemment par le gouvernement, nous disent fièrement les "llaneros".

La Révolution avance, mais la structure de la propriété agricole reste encore majoritairement latifundiaire. Selon les paysans du PSUV qui nous accueillent, Melqui Mesa, Orlando Mora, Antonio Campos, Anibal Pava, "la lutte est dure, tendue; elle sera longue, mais on ne reviendra pas en arrière". Ils nous offrent du fromage frais de buffle, un bétail jadis réservé aux grands propriétaires, et que le gouvernement bolivarien introduit aujourd'hui massivement (4 millions de têtes). Avec 4 litres de lait de buffle, on fabrique 1 kilo de fromage. Chaque petit producteur bénéficie d'une grande facilite pour accéder a des crédits, dans des conditions particulièrement favorables.
Nouvelle piste jusqu'a la ferme El Triangulo. Mêmes constats. La Révolution a commencé à changer la vie des petits et moyens paysans. L'agriculture, longtemps laissée a l'abandon, ne représente encore que 10% du PIB.
Depuis 2 ans, le programme dénommé "Agropatria" a remplacé la multinationale espagnole "AgroIsleña", nationalisée, qui fournissait semences et produits chimiques aux paysans en échange de 60% de la récolte. Aujourd'hui, c'est l’État qui a pris le relais, a des prix désormais "solidaires". Dans les endroits isolés, la plupart des familles ont l'eau et l'électricité.
Ici, exotisme assuré: oiseaux de toutes les couleurs, fruits étranges, et la musique "llanera", a base de harpe et de "cuatro" (guitare a quatre cordes), qui pleurniche l'amour. De retour au village, des militants peignent sur un mur: "Chavez, candidat de la patrie".
Nous achetons le journal La Nacion. Titre énorme: "7 morts par des tueurs a gages dans l’État du Tachira". La droite joue avec l'insécurité, l'instrumentalise jusqu’à plus soif politique. Elle en fait son programme, sa stratégie principale. Nous pouffons de rire en apprenant par ce même journal que le candidat Capriles (il appartient au parti le plus à droite de la coalition MUD, "Primero Justicia" -La justice d'abord-, avec les "sociaux démocrates" d'Action démocratique, des restes du parti démocrate chrétien COPEI, tous les vieux politicards de la IVe République et de son bipartisme) descendrait, selon un généalogiste, de la famille de Simon Bolivar. Il a du subir plusieurs mutations génétiques... Le 24 juillet 1783 naissait Simon Bolivar. Bon anniversaire, Camarade Libertador!

Un ancien trader se suicide lors de son procès en avalant du cyanure

Le trader déchu de Wall Street mort lors de son procès fin juin a bien mis fin à ses jours en avalant du cyanure, a déclaré vendredi 27 juillet le médecin légiste. Reconnu coupable d'avoir incendié sa maison en Arizona, Michael Marin s'est suicidé sous l'œil des caméras qui filmaient l'audience. La vidéo réalisée à Phoenix (au Sud-Ouest des Etats-Unis) au cours du procès, fin juin, par la chaîne Fox 10 circule depuis sur internet. Elle montre l'ancien financier de 53 ans, prendre sa tête dans ses mains, couvrir sa bouche et avaler quelque chose. Peu après, le visage rouge, il est pris de convulsions, émet un gémissement et s'effondre. La mort a été déclarée durant son trajet à l'hôpital.

Les chiffres-clé de Facebook

Les principaux chiffres révélés par le premier bilan financier de Facebook.

mercredi 25 juillet 2012

Marcel Ophuls : “Je n’aime pas me servir d’une caméra comme d’une arme”

Entretien | Il aurait préféré réaliser des comédies, mais il en a été autrement. Nous avons rencontré Marcel Ophuls à l'occasion de la rediffusion sur Arte de son documentaire “Le Chagrin et la Pitié, chronique d'une ville française sous l'Occupation”, réalisé avec André Harris en 1969.

Propos recueillis par François Ekchajzer, Télérama, le 10/07/2012.
Claude Lanzmann et Marcel Ophuls. © Courtesy of Icarus Films
A 84 ans, Marcel Ophuls n'en démord pas : c'est dans la comédie qu'il aurait aimé faire carrière ! Mais l'insuccès de Feu à volonté (avec Eddie Constantine, en 1965) et le besoin de gagner « du pognon » l'ont inexorablement poussé vers le documentaire, genre qu'il n'aime pas mais auquel il a quand même donné quelques chefs-d'œuvre : Hotel Terminus (autour de Klaus Barbie) en 1988, November Days (autour de la chute du Mur) en 1991, Veillées d'armes (sur la guerre de Bosnie) en 1994 ou… Le Chagrin et la Pitié, chronique d'une ville française sous l'Occupation, réalisé avec André Harris en 1969 et qu'Arte rediffuse le 10 juillet 2012.

Comment jugez-vous aujourd'hui la censure qui s'est exercée contre Le Chagrin et la Pitié, et qui a contribué à sa réputation ?
Produit à l'origine pour l'ORTF, le film a dû attendre douze ans avant de passer à la télévision française. J'y vois un effet de la mainmise des gaullistes et du Parti communiste sur la mémoire de la France occupée. Le directeur général de l'ORTF était allé voir le Général à Colombey, pour lui demander ce qu'il devait faire de ce film qui évoquait des « vérités désagréables ». De Gaulle lui aurait répondu : « La France n'a pas besoin de vérités ; la France a besoin d'espoir. » D'une certaine manière, je trouve cette réponse magnifique et d'une très grande classe. Mais on ne faisait pas le même métier, le Général et moi. Et puis l'heure c'est l'heure. Si nous n'avions pas fait Le Chagrin et la Pitié, André Harris et moi, d'autres que nous l'auraient fait. Le temps était venu de crever l'abcès, de déconstruire le mythe.

A revoir aujourd'hui le film, on s'étonne de le trouver si éloigné de la réputation excessivement noire qui lui colle à la peau. Dans Le Chagrin et le venin (Bayard, 2011), l'historien Pierre Laborie défend pourtant l'idée que votre film a substitué au mythe gaulliste d'une France résistante le contre-mythe d'une France collaborationniste.
Pour m'éviter de la peine, ma famille a essayé de me cacher l'existence de ce livre. Quelqu'un me l'a quand même signalé et je l'ai lu. C'est un authentique travail d'historien, mais je ne suis évidemment pas d'accord avec ses conclusions. Pierre Laborie avance que Le Chagrin et la Pitié a créé une vulgate et a banalisé la perception des années sombres. Cela me semble très excessif.

L'interview de Marius Klein, commerçant clermontois, donne au film l'une de ses scènes les plus cinglantes et l'une des plus allusives.
C'est effectivement un entretien-clef du film. Il a été complètement improvisé, au détour d'une fin de journée. L'équipe revenait de la cathédrale, où j'avais vainement tenté d'obtenir une interview de l'évêque de Clermont-Ferrand. Avant le tournage, j'avais effectué de nombreuses recherches dans les archives du Moniteur, journal de Pierre Laval. Je n'en avais pas seulement lu les premières pages et les éditoriaux, mais aussi les petites annonces. Dont celle de ce Marius Klein, qui tenait à signaler à son aimable clientèle qu'il n'était pas juif. J'étais en train de descendre la rue et l'équipe rangeait le matériel dans notre véhicule, lorsque j'ai vu l'enseigne : « Chez Marius ». J'ai dit : « Mes enfants, ressortez la caméra. On va filmer cet homme dans sa boutique. » Et on l'a fait en trois minutes !


Pourquoi cette scène est-elle si marquante ?
Parce que cet homme, qui ne se pose pas de questions, même quand on vient le voir avec une caméra, représente une forme d'antisémitisme tout à fait ordinaire, et finalement plus menaçante que les déclarations de Marine Le Pen, de son père, de sa nièce… de ces gens d'extrême droite qui prennent évidemment des positions d'extrême droite. Dans notre quotidien, il y a toujours ce racisme larvé qui nous guette, ne nous lâche jamais et n'est pas même conscient de lui-même. Qu'on peut donc instrumentaliser. Lorsque des gens sortaient d'une projection du Chagrin et la Pitié en disant : « Quarante minutes de Mendès France ! », pour moi c'était déjà un signe…

Dans le livre que vous a consacré Vincent Lowy (1), vous dites que vous vous êtes souvent trouvé « nez à nez avec des tortionnaires, des fanatiques et des criminels de guerre », mais que jamais vous ne vous êtes senti aussi « mal », ni aussi « gêné » qu'au cours de ces cinq minutes d'interview.
Contrairement à Claude Lanzmann, je n'aime pas me servir d'une caméra comme d'une arme, pour faire ciller les gens. Je ne trouve pas ça sympathique – ni efficace, en fin de compte. Quand un cinéaste tente de coller quelqu'un contre le mur, le public le sent et sa sympathie passe très vite du cinéaste à sa victime. C'est une généralisation, mais enfin je vous réponds spontanément. Je préfère qu'il y ait un contrat moral entre la personne devant la caméra et la personne derrière la caméra. Je fais, autant que possible, en sorte que ce soit le cas.

A l'inverse de l'interview de Marius Klein, les scènes avec Pierre Mendès France offrent au Chagrin et la Pitié des moments lumineux. Il y apparaît détendu, en confiance.
J'ai passé deux dimanches avec lui. Le premier, c'était le 27 avril 1969, à Grenoble, dans un petit bureau où il recevait des appels incessants – c'était le dimanche du référendum. A chaque coup de fil, nous pensions devoir quitter la pièce ; ça l'agaçait beaucoup. Il répétait : « Mais non, restez en place, on perd du temps ! De toute façon, je fais en sorte qu'il n'y ait pas de différence entre ma vie publique et ma vie privée. » Qui lui téléphonait ? François Mitterrand, Waldeck Rochet… des personnalités de gauche qui essayaient de le convaincre d'être candidat. A la fin, quand on a remballé le matériel et qu'il avait raté par notre faute plusieurs trains pour Paris, il m'a dit : « Ophuls, on n'a pas terminé hein ? » Je lui ai répondu : « Non, monsieur le président. Pas vraiment. » « Alors rendez-vous chez moi, en Normandie, dimanche prochain. »

Comment a-t-il reçu le film ?
Il en était content. Il paraît qu'il demandait à ses amis : « Comment vous me trouvez en vedette de cinéma ? » Sauf qu'il m'avait envoyé une lettre pour me reprocher d'avoir gardé le témoignage du colonel du Jonchay [ancien résistant, de tendance nationaliste]. « Ce type prétend que j'ai sabré le champagne à Rabat, ce qui n'est absolument pas vrai ! Il fantasme ! Vous n'auriez pas dû mettre ça dans le film. » Bien sûr que si : il fallait le garder dans le film ! Peu importe que l'épisode soit vrai ou fantasmé ; car, si c'est un fantasme, c'est encore plus significatif.

Sur quel film travaillez-vous actuellement ?
Il m'a semblé qu'il était temps d'écrire mes Mémoires. N'étant pas écrivain, l'idée m'est venue de les filmer avant de les écrire, ou plus exactement de les filmer tout en les écrivant. Evidemment, le risque est de tomber dans une sorte de narcissisme, mais c'est intéressant. Depuis que j'ai été agressé en Amérique du Sud, sur le tournage d'Hotel Terminus, ma mémoire me joue des tours. Mais, en élaborant ce film, les souvenirs me reviennent peu à peu, remontent à la surface et enrichissent le projet initial. Ce sera donc un film long. Plus long que les 90 minutes auxquels on veut me limiter.

A quoi ressemblera-t-il ?
A une sorte de carnet de voyage. Ça se passe à Paris, à Lucq-de-Béarn, à Venise, à Londres, à Manhattan… Dans des lieux où j'ai vécu – et j'ai beaucoup vécu dans beaucoup d'endroits. Contrairement à mes précédents films, où je me farcissais des témoins hostiles qu'il fallait amadouer ou mettre en difficulté, celui-ci consistera en une suite d'hommages à des gens que j'ai connus et aimés. Ce sera un film moins déprimant pour moi et, je l'espère, plus gai pour le public. A bien des égards, ce sera une comédie et même, par moments, une comédie musicale.

Vous y chanterez ?
Des chansons de Gershwin, des tubes de ma jeunesse… La comédie et la comédie musicale, vous savez, c'est vraiment ce que j'aurais voulu faire.

En quoi cette attirance contrariée pour la comédie a-t-elle influencé votre pratique du documentaire ?
Ça m'a poussé à développer une approche subjective, personnelle, et à considérer la question du style comme déterminante. Après ce film autobiographique, j'abandonnerai définitivement le genre documentaire qui, année après année, est devenu une prison pour moi.

Pourquoi ?
Parce que je n'aime pas ça ! Ce sera mon dernier documentaire… sauf (car il y a toujours un sauf) si Jean-Luc Godard me propose de réaliser avec lui ce film sur Israël et la Palestine dont il parlait, voilà quelques années. S'il m'appelle pour me dire : « Faisons-le », je serai prêt à me taper la bande de Gaza à la période de Noël – en espérant juste ne pas terminer ma vie enchaîné à un radiateur !

Sinon ?
Je ferai du théâtre, car je suis un enfant de la balle. Jeanne Moreau est l'un des personnages-clefs du film que je suis en train de faire. Elle et François Truffaut ont énormément fait pour moi, qui n'ai malheureusement jamais rien fait pour eux. J'aimerais convaincre Jeanne de revenir au théâtre, avec des pièces que je mettrais en scène.


A lire
(1) Marcel Ophuls, par Vincent Lowy, Le Bord de l'eau, 2008, 22€.
A lire également : Dialogues sur le cinéma, transcription de conversations entre Marcel Ophuls et Jean-Luc Godard, chez le même éditeur, 2012, 10€.

Financer UN VOYAGEUR, le nouveau film de Marcel Ophuls

Voilà dix-huit ans que Marcel Ophuls n’a pas tourné de film. Non par choix, mais après « le bide », comme il le dit lui-même, de l’impressionnant Veillées d’armes en 1994, plus un mot. Ophuls a 84 ans, il est pétaradant, son regard fait toujours fondre le métal ; il était temps de s’y remettre.

Max Ophuls (à gauche) sur le tournage de Lettre d’une inconnue, 1948
Oui, Marcel Ophuls fait un nouveau film. L’homme du Chagrin et la pitié, d’Hôtel Terminus (Oscar de meilleur Documentaire en 1989), a encore quelque chose à nous dire : nous léguer l’histoire de sa vie.
Défilent le grand Max Ophuls, son père, la Guerre, la fuite à travers les Pyrénées, Hollywood, le Japon, la Nouvelle Vague, François Truffaut son indéfectible ami, Godard, New York, l’Allemagne, la Suisse, Léon (son chien). Le trajet d’une vie pleine, engagée, tapageuse

Les films de sa vie

Bien sûr, l’œuvre d’Ophuls tourne autour du Chagrin et la pitié. Œuvre remarquable, tournée en 1969, longtemps interdite par l’ORTF mais devenue culte, elle ouvre les yeux sur le passé collaborationniste de la France. Elle impose le cinéma documentaire dans l’ordre de l’histoire et crée un art du montage virulent, de mauvaise foi, ludique, précis comme un rasoir. Un mélange jamais vu en France : le talent porté par les nuages noirs du scandale. 

Le Chagrin ne fit qu’ouvrir une liste impressionnante de films, parmi lesquels A sense of loss (1972), The memory of justice (1976), Hôtel Terminus (1989), Veillées d’armes (1994).