lundi 30 juin 2008

Heidegger -6

Ce volet marque la fin de la série "Life and Philosophy" consacrée à Heidegger. La série porte davantage sur la biographie du philosophe et la question de son adhésion au parti Nazi, que sur l'oeuvre elle-même.

dimanche 29 juin 2008

Epicure

Epicure (341-271)
L'oeuvre d'Epicure domine l'histoire du matérialisme antique. Peut-être vaut-il la peine de rompre avec l'ordre de la chronologie pour dresser le bilan de cette oeuvre capitale... Epicure naquit en 341. Son père Néoclès, du vieux clan athénien des Philaïdes, avait émigré à Samos, que les Athéniens avaient colonisée: il y vivait pauvrement sur une ferme coloniale, et faisait le maître d'école. Quand il eut quatorze ans, Epicure alla faire ses études dans l'île voisine de Téos, où Nausiphane professait les mathématiques et la physique ioniennes: c'est sans doute là qu'il connut les idées de Démocrite. A dix-huit ans, il se rendit pour la première fois à Athènes pour accomplir son année de service militaire. Xénophane dirigeait alors l'Académie de Platon. Aristote vivait à Chalcis.


L'année suivante, Perdiccas de Thrace attaqua Samos et en chassa les colons athéniens. Néoclès vint habiter Colophon. On lit dans Gilbert Murray un tableau vraisemblable de ces années de la jeunesse d'Epicure:


Les années qui viennent de s'écouler nous ont appris qu'il y a peu de formes de la misère plus dures que celles qu'endure une famille de réfugiés, et il y a peu d'apparences qu'elles aient été plus faciles dans l'antiquité. Epicure, semble-t-il, édifia sa philosophie tandis qu'il aidait ses parents et ses frères à passer ce mauvais moment. Le problème était de rendre supportable la vie de la petite colonie et en somme il le résolut. Ce n'était point le genre de problème que le stoïcisme et les grandes religions abordaient spécialement: c'était à la fois un problème trop terre à terre et trop pratique. On peut aisément imaginer les conditions auxquelles devaient s'appliquer ses préceptes. Les malheureux réfugiés qui l'entouraient se torturaient de terreurs inutiles. Les Thraces les poursuivaient. Les Dieux les haïssaient: il fallait qu'ils eussent commis quelque péché qui mérite châtiment. Il aurait mieux valu mourir immédiatement, mais ce péché leur aurait infligé les plus dures souffrances par-delà la tombe. Dans leur détresse, ils s'énervaient mutuellement, et cette amertume réciproque doublait leur misères*...


En 310, Epicure quitta Colophon et fonda une école de philosophie à Mytilène. Mas il alla bientôt s'établir à Lampsaque, sur la mer de Marmara. Les disciples affluaient; il y avait parmi eux des hommes importants, commeLéontéus et Idoménée. Ces amis d'Epicure pensèrent qu'un tel maître devait enseigner dans la capitale de la philosophie et ils achetèrent pour lui, à Athènes, une maion et un jardin et les lui offrirent. Epicure revint donc à Athènes en 306. Il s'y mêla quelque temps au mouvement philosophique, mais il s'en dégoûta promptement, et s'en éloigna. Il demeura tout le reste de sa vie, malgré les angoisses de l'époque, dans le célèbre jardin qui porta son nom à l'école. Il nefit guère que quelques courts voyages à Lampsaque et dans le voisinage. Mais ses disciples d'Asie le rejoignirent, d'autres élèves se joignirent à eux: il y avait là des philosophes comme Métrodore, Colotès, Hermarque, Léontéus, Idioménée, des esclaves comme Mys, des filles, comme Léontion, Nikidon, Mammarion.


Epicure mourut de la pierre, après quatorze jours de souffrances qu'il supporta comme il convenait à sa philosophie. Diogène Laërce raconte ainsi sa mort:

Se sentant mourir, il se fit mettre dans un baignoire de bronze remplie d'eau chaude et demanda une coupe de vin pur qu'il vida. Ayant adjuré ses disciples de se rappeler ses leçons, il expira. J'ai composé sur lui l'épigramme suivante:

Adieu, rappelez-vous mes leçons. Ainsi parla à sa mort Epicure.

Ce furent les derniers mots qu'il dit à ses amis.

Il se fit mettre dans un bain chaud, un gobelet de vin demanda;

Il le but et bientôt aspira les souffles glacés de Hadès.

Telles furent la vie et la mort d'Epicure*.


*MURRAY Gilbert, 1935, Five stages of Greek religion, London: Watts & Cie.

*LAERCE Diogène, X, 15, 16


NIZAN Paul, 1938, Les Matérialistes de l'antiquité, Paris: Maspero.

Heidegger -5

Heidegger -4

Heidegger -3

Heidegger -2

Heidegger -1

L'émission "Life and Philosophy" de BBC consacre différents volets au philosophe allemand, Martin Heidegger...

Le long regard

Qui connaît le long regard, en silence, dans la demi-obscurité que le ravissement répand sur toutes les choses et les hommes, quand seuls nous voient encore les yeux de la femme aimée et que nous y voyons comment nous sommes vus, dans un temps, un espace insaisissable qui serait intolérable s'il ne possédait la suprême légèreté, comme on sourit quand les choses deviennent sérieuses - qui connaît ce regard n'en est plus au simple orgasme mâle, il a établi en lui-même la femme et par conséquent cet espace érotique qui réside non dans la courte extase des culminations mâles mais dans le "point d'orgue", qui n'a même pas besoin en réalité du coït comme clef et qui dans tous les cas est un espace féminin. Mais l'homme ne peut y demeurer longtemps. Il y a l'amour qui commence par le grand regard long, qui culmine dans ce regard et doit disparaître avec lui. La musique a là-dessus son mot à dire: au deuxième acte de Tristan, on trouve quelque chose de cette situation, le regard immobile presque sans contact. Il n'est pas plus le substitut chaste ou le "signe" du commerce sexuel que le duo des regards plongés l'un dans l'autre n'est cette musique. Mais tout serait plus vrai si Tristan lui-même abandonnait Iseult, ce Venusberg nullement souterrain, situé au contraire très haut et très loin, où seule l'amante peut continuer de respirer, où seule peut aimer la femme à l'oeil grand ouvert d'une ivresse sans acune ombre, mais aussi impénétrable. L'homme peu après détourne lâchement le regard, à moins qu'il ne cherche dans ce silence sans fenêtre l'espace de tout ce qui est important, de tout ce qui lui tient à coeur profondément, afin d'y pouvoir demeurer. Il est rare que l'infidélité et la fidélité aient un plus terrible lien dans le même acte, l'amour mâle s'éteint facilement dans le rien-que-l'amour qui pour la femme est le tout. Ce n'est pas auprès de la femme insatiablement érotique qu'échoue l'homme normal. Il réussit auprès d'elle quand la nature de ces femmes s'apparente d'assez près à celle de l'art.

Ernst Bloch, 1968, Traces, Paris: Gallimard, pp.74-75.

Traductions d'un poème de Paul Celan

ASCENGLORIE hinter
..................

Niemand
Zeugt für den
Zeugen

CENDRES-LA GLOIRE revers
...................

Nul
ne témoigne
pour le témoin.
(tr. André du Bouchet)

GLOIRE DE CENDRES derrière
...................

Personne
ne témoigne pour le
témoin
(tr. Jean-Pierre Lefebvre)

ASH-GLORY behind
...................

No one
bears witness for the
witness
(tr. Joachim Neugroschel)

samedi 28 juin 2008

Chanteuses

Le Festival Femmes du Monde nous a fait découvrir plusieurs voix extrordinaires dont nous avons tenté de suivre la trace sur le net:

HERMINIA: grande voix capverdienne. Elle est née sur l’île de Sao Vicente à Mindelo, capitale musicale du Cap Vert, en 1942, au sein d’une fratrie nombreuse, comprenant une douzaine de frères et sœurs. Enfant, elle manifeste un goût précoce pour la musique qui n’est pas bien vue par sa famille, se battant pour apprendre à jouer du piano et de la guitare, composant sa première morna à l’âge de douze ans. C’est au même âge qu’à la suite de la mort de son père, elle émigre sur l’île voisine de Sal, devant rapidement travailler pour subvenir à son existence. Elle commence alors à chanter, en s’inscrivant dans la tradition populaire des cantadeiras, ces lavandières de jadis qui chantaient à tue-tête en battant le linge, et en chantant dans des groupes de musiciens ambulants qui improvisaient ou jouaient à la commande des sérénades en pleine rue. Elle ne reniera jamais cette origine, continuant encore aujourd’hui à chanter des chansons du répertoire traditionnel avec une « voix naturelle » unique, parfois gouailleuse, toujours saisissante et prenante.
http://profile.myspace.com/index.cfm?fuseaction=user.viewprofile&friendid=175124256

VERONIKA BULYCHEVA, jazz-rock russe
http://www.veronikabulycheva.com/images/galerie/Spasibo_Mily.mpg

NORIG est une chanteuse Rom méconnue qui est pourtant l'interprète de la chanson "Ederlezi", composée par G. Bregovic, et qu'on retrouve dans le fim "Le temps des gitans" de E. Kusturica. Elle s'est aussi illustrée avec l'interprétation d'une chanson composée par T. Gatlif et intitulée "Ceux qui nous quittent", parue dans le fim "Exils"

BARBARA LUNA:
http://profile.myspace.com/index.cfm?fuseaction=user.viewprofile&friendid=305565156

SOPHIA CHARAI BAND, groupe de Jazz marocain... (magnifique "Habba")
http://profile.myspace.com/index.cfm?fuseaction=user.viewprofile&friendID=122873351

Fantani Toure:
http://profile.myspace.com/index.cfm?fuseaction=user.viewprofile&friendid=147132842

Rabia Jabrane et Meskalyl:
http://profile.myspace.com/index.cfm?fuseaction=user.viewprofile&friendid=162890812

Maria Raducanu:
http://profile.myspace.com/index.cfm?fuseaction=user.viewprofile&friendid=181476283

SAMIA DIAR (Chante la "Nostalgie")
http://profile.myspace.com/index.cfm?fuseaction=user.viewprofile&friendid=170358244

RENATA ROSA est une chanteuse brésilienne qui s'inspire des traditions musicales du nordeste brésilien (état du Pernambuco). On peut écouter son album, Zunido de Mata, sur Deezer, à l'adresse suivante:

DENE ISSEBERE est malienne, dogon, auteure, compositrice, interprète. Elle est considérée comme la nouvelle voix féminine dans son pays. Elle allie un répertoire musical traditionnel et moderne. Déné Issébéré exprime son regard sur la société malienne à travers des textes engagés, tout en créant un univers musical plein de fraîcheur et de poésie.
http://www.deneissebere.net/

FULANAS: Deux musiciens argentins, tango, flamenco, piano...
http://profile.myspace.com/index.cfm?fuseaction=user.viewprofile&friendid=299041710

SEHENO, Madagascar
http://profile.myspace.com/index.cfm?fuseaction=user.viewprofile&friendid=119423810

Tipari:
http://profile.myspace.com/index.cfm?fuseaction=user.viewprofile&friendid=117203549

BEVINDA (fado, bossa) (Magnifique "Fatum")
http://profile.myspace.com/index.cfm?fuseaction=user.viewprofile&friendID=75455762

Bïa:
http://profile.myspace.com/index.cfm?fuseaction=user.viewprofile&friendid=158692868

vendredi 27 juin 2008

Lenin -Siberia-


Photography - Jana S.

Quand Olibrius fut Maître et Roi

(Intérieur Bibliothèque)

Olibrius entre. Il est petit, dégarni, les cheveux qui lui restent sont blancs et forment une couronne. Il porte un polo de couleur jaune, un bermuda, de petites socquettes blanches. Il a des molets de coqs. Il se dirige vers le comptoir de la bibliothèque où deux hommes discutent, l'un d'entre eux est assis devant son ordinateur alors que l'autre se tient debout en face de lui, accoudé au comptoir. Olibrius salue d'une grosse voix les deux types qui visiblement le connaissent bien.

OLIBRIUS: Dis-moi, comment est-ce qu'on fait pour chercher une référence bibliographique ici? J'ai une liste de bouquins là, que je voudrais trouver...

Les deux autres rient:

LE BIBLIOTHECAIRE: Ah, tu travailles ici et tu ne sais pas te servir des ordinateurs, toi l'informaticien?

OLIBRIUS: Et non, c'est vrai... Je ne viens jamais ici.

Le bibliothécaire inspecte le papier d'Olibrius et entame une recherche sur l'ordinateur. Il s'en va.

OLIBRIUS: Et toi Jacques comment tu vas? ça fait longtemps que je ne t'ai pas vu...

JACQUES: Ben écoute, ça va.

OLIBRIUS: Bientôt les vacances?

JACQUES: Au mois d'Août.
OLIBRIUS: Ben moi, je pars bientôt en "Corse" (prononcé avec l'accent corse, du moins avec un "r" roulé). A côté de Corte, on y va souvent avec ma femme. Oui, tu sais, moi j'aime bien les corses, j'ai plein d'amis corses... Tu sais si tu les respectes, ils ne t'emmerdent pas. Oui parce que tu entends parfois les gens parler des corses de manière abusive, mais ces des gens qui ne sont jamais allés là-bas...
Le bibliothécaire revient avec un livre et le pose sur la table, de l'autre côté du comptoir.
OLIBRIUS: Ah, ça me fait plaisir! Wittgenstein! Tu sais, c'est pour lire sur la plage! ça fait longtemps que je me dis ça: il faut que je lise Wittgenstein! Et dis-moi "maître", est-ce que tu aurais un livre de Bouveresse? C'est un auteur que j'aime par dessus tout...
Le Bibliothécaire s'assoit devant l'ordinateur et consulte à nouveau. Il repart dans les rayons de la bibliothèque.
OLIBRIUS -à JACQUES: Tu sais, je sais pas si je t'ai déjà dit ça, mais j'étais dans la marine avant. J'y suis entré comme moussaillon et puis quand j'ai quitté, sept ou huit après, j'avais le grade de "maître". C'est un nom qui paraît très honorable comme ça, mais qui correspond au grade de sergent. Bref, on m'appelais comme ça à l'époque: "maître"...
JACQUES: Dis-moi, je songe à acheter un ordinateur portable, qu'est-ce que tu me conseillerais?
Commence alors une longue tirade d'OLIBRIUS sur les ordinateurs. Il préconise un Toshiba, un "Tosh".
OLIBRIUS: Tu comprends, on rentre souvent des Sony, des Acer à réparer, donc je te conseille pas trop ça. Par contre un "Tosh", moi j'en ai un depuis 2005, trois ans maintenant et il marche parfaitement!
[...]
(Quelques minutes plus tard)
OLIBRIUS: Oh, tu sais j'ai acheté récemment une "voiture d'amoureux", une 206 cabriolet! Je l'ai achetée en Bretagne, c'est un bon filon crois-moi. Oui, parce qu'en Bretagne tu les trouves moins chères qu'ailleurs. Et oui, parce que là-bas ils se rendent vite compte qu'ils ont fait une erreur d'acheter ça, tu comprends...
(Le bibliothécaire est revenu avec un livre...)
OLIBRIUS: Ah, c'est parfait! Vous connaissez Bouveresse?
JACQUES: Un peu.
OLIBRIUS: Ah, il n'est pas très connu, il faut dire qu'il n'est pas très apprécié. D'ailleurs, vous savez pouquoi Bouveresse n'est pas très aimé? Voila une question qu'elle est bonne. Parce qu'il a eu l'audace de dénoncer la "terreur" que fait régner la psychanalyse sur le monde de la connaissance. Il n'a pas dit que la psychanalyse, c'était de la merde, il n'a pas dit ça, non, il a eu plus d'élégance pour le dire... Il est très contesté et peu connu pour ces raisons. Pourtant il occupe une chaire au Collège de France... Non, mais ce qu'il a remis en cause, c'est le concept d'inconscient freudien, pas la notion disons neuro-psychiatrique... D'ailleurs, si tu lis Freud avec un regard un peu critique tu t'aperçois que c'est de la couille en barre(s). Bon et bien, c'est pour ça que tu peux remettre en question l'autorité de la psychanalyse aujourd'hui. A ce propos, est-ce que vous avez déjà lu Lacan?
JACQUES: Oui un peu, oui.
OLIBRIUS: Ah, mais c'est parce que moi je n'ai pas ta culture, Jacques. Lire Lacan, pour moi, c'est une vraie torture... Bon ben, je sui content que tu m'aies touvé un livre de Bouveresse. En venant je m'étais dit: "s'il n'y a pas de livre de Bouveresse ici, je n'y mets plus jamais les pieds!... Bon, avec ça je suis content. C'est pour lire sur la plage de M.
Rires des interlocteurs
OLIBRIUS: ça et un livre de Wittgenstein. D'ailleurs, Bouveresse a fait sa thèse sur Wittgenstein, c'est pour ces raisons que je m'y intéresse, il m'a donné envie de le lire...
LE BIBLIOTHECAIRE: Mais tu crois que c'est une lecture appropriée pour la plage?
OLIBRIUS: Oh oui! Moi, sinon je m'emmerde. Avec ça, j'ai de quoi faire!

mardi 24 juin 2008

Visagéité





RAYMOND
DOMENECH,
Docteur ès
"Tâcles
et
Commu-
nication"

"Le visage n'est pas une enveloppe extérieure à celui qui parle, qui pense et ressent. La forme du signifiant dans le langage, ses unités mêmes resteraient indéterminées si l'auditeur éventuel ne guidait ses choix sur le visage de celui qui parle ("tiens, il a l'air intelligent... il n'a pas pu dire cela! -nous détournons ici volontairement les propos de Gilles Deleuze et Félix Guattari). Les visages ne sont pas d'abord individuels, ils définissent des zones de fréquence ou de probabilité, délimitent un champ qui neutralise d'avance les expressions et connexions rebelles aux significations conformes.
De même la forme de la subjectivité, conscience ou passion, resterait absolument vide si les visages ne formaient des lieux de résonance qui sélectionnent le réel mental ou senti, le rendant d'avance conforme à une réalité dominante...

...Le visage est lui-même redondance. Et il fait lui-même redondance avec les redondances de signifiance ou de fréquence, comme avec celles de résonance ou de subjectivité. Le visage construit le mur dont le signifiant (ou le ballon?) a besoin pour rebondir, il constitue le mur du signifiant, le cadre ou l'écran. Le visage creuse le trou dont la subjectivisation a besoin pour percer, il constitue le trou noir de la subjectivité conscience ou passion, la caméra, le troisième oeil."

Deleuze, G. Guattari, F. Mille Plateaux, p.206

lundi 23 juin 2008

The Philosophers' Football Match

Greece Vs Germany

Cioran et Grimault

Amis de la philosophie et fidèles à notre maigre contribution sportive -d'une jambe- intitulée "L'Eclopé". Voici un bref extrait de M. Grimault qui s'excuse d'avoir comparer les roumains à des "voleurs de poules", pas de coqs! Pris dans son élan, à travers une défense implacable, des arguments de chocs: "Car... J'aime le peuple roumain". Il finira par citer, au sommet de son art, le philosophe E. Cioran, dans le texte, en gage de son amour éternel et de sa reconnaissance: "Je ne suis qu'un plaisantin"...

Parrhèsia et Idiôtès

Castoriadis revisitant pour ses étudiants les fondements de la démocratie athénienne, s'arrêta sur la notion de Parrhèsia, qu'il définit comme "l'obligation de dire franchement ce que l'on pense à propos des affaires publiques". Il rappelle ainsi qu'au temps de Solon, un citoyen pouvait se voir retirer ses droits civiques en refusant de se prononcer. "Un homme ne se mêlant pas de politique mérite de passer, non pour un citoyen paisible, mais pour un citoyen inutile" affirma plus tard Périclès. Par opposition, Castoriadis remarque que le mot "idiot" vient d' "idiôtès", terme qui désigne "l'imbécile qui ne s'occupe que de ses propres affaires"...
Cornelius Castoriadis, 2008, La Cité et les lois. Ce qui fait la Grèce, 2 Séminaires 1983-1984.

Platon sophiste

...Avec Platon, et pour la première fois, on a ce qu'on appellera par la suite l'esprit partisan en philosophie, qui est soutenu par cette rhétorique et cette mise en scène. Les philosophes avant Platon, et même après, exposent leurs opinions. Rarement, comme Héraclite, ils ont une remarque méprisante pour les autres. A partir de Platon, ils discutent les idées de leurs adversaires; et Aristote le fera aussi. Mais Platon est le premier et peut-être le dernier philosophe à transformer cette discussion en un véritable combat - et en ce sens il n'est pas loin de rappeler Marx, ou plutôt c'est Marx qui le rappelle. A vouloir vraiment polariser les lecteurs, les sommer de choisir entre eux et nous, entre les méchants et les bons. Les méchants, ceux qui se trompent et qui veulent tromper le monde; et nous autres qui sommes dans la vérité et dans le bien, dans la justice. Quitte parfois à cesser d'argumenter pour simplement ridiculiser dans les cas extrêmes. Mais il ne se borne pas à cela, à ses attaques contre eux et ces réfutations, comme fera auss Aristote. C'est aussi le premier -et on voit là encore l'ambiguïté de la création- qui utilisera cette arme que Paul Ricoeur appellera le soupçon et qui effetivement est dvenue si importante dans les Temps Modernes avec Marx, Nietzsche et Freud. Non pas: ce que vous dîtes est faux et je vous e prouve, mais: Pourquoi dites-vous ce que vos dites? Et le pourquoi ne se réfère pas aux raisons logiques mais aux raisons subjectives au sens le plus large: vous le dites parce que ça vous arrange, vous faites des sophismes parce que vous êtes un sophiste, et ça ce n'est pas une tautologie. Vous êtes un sophiste veut dire: vous êtesun marchand de faux, un boutiquier de fallaces un kapèlos, et c'est votre position ontologique et sociale de sophiste qui vous fait dire ce que vous dites. La réfutation logique est complétée par l'assignation, si je peux dire, ontologique, sociale, politique: vous dites ce que vous dites pace que vous êtes un ennemi du prolétariat (Marx); vous dites ce que vous dites parce que votre névrose vous amène à le dire (Freud); vous dites ce que vous dites parce que la vérité est un poison pour les faibles et que vous ne pouvez pas le supporter (Nietzsche). Chez Platon: vous dites ce que vous dites parce que vous vivez du commerce du mensonge. Et vous vivez non seulement au sens que vous touchez de l'rgent pour vos leçons - ce sur quoi Platon insiste énormément -, mais vous vivez ainsi ontologiquement. L'être sophiste est un être qui s'appuie sur le non-être. C'est parce qu'il y a du non-être et la possibilité de faire passer le non-être pour l'être et l'être pour le non-être - ce qui conduira à la célèbre révision ontologique du Sophiste, au meurtre du père, de Parménide -, c'estdonc parce qu'on peut mêler l'un à l'autre l'être et le non-être. Ce qui veut dire d'une ceraine façon que l'être n'est pas et que le non-être est. Comme le dit lui-même Platon dans le Sophiste: "dix mille fois par dix mille fois l'être n'est pas et le non-être est." Et c'est parce qu'il y a ce lien ontologique que vous, les sophistes, vous pouvez exister...
Castoriadis, C. 1999, Sur Le Politique de Platon, Paris: Seuil, pp. 25-27.

Identité Narrative

"Temps et Récit" - "Soi-même comme un autre"

Paul Ricoeur

Petit sifflet, musique légère -début d'une ritournelle?- et brutalement: la question à poser au philosophe, moins fragile que les autres,

"Votre mort vous y pensez souvent?"

dimanche 22 juin 2008

Chauvinisme

Il paraît qu'il n'y a plus de frontières, que les particularismes locaux sont broyés par une machine mondiale conçue dans les usines de Detroit. Chaque compétition internationale de foot prouve spectaculairement l'inverse. Sans doute sur le mode du folklore sympathoche (visages peinturlurés et uniformes auto-parodiques), mais pas que. Pendant les Mondiaux et autres Euros, grosse décharge patriotique. Par chez nous, grosse remontée à la surface d'un substrat franchouillard. Récupérant des retransmissions de match, la chaîne djeune et d'obédience anglo-saxonne M6 n'a pas confié le commentaire à Virginie Effira ou Justin Timberlake, mais à Thierry Roland, pensionnaire des Grosses têtes, et Franck Leboeuf, qui jadis se distingua par ses tacles virils et incorrects, par des frappes de mule, et par des propos, comment dire, décomplexés.
Ecoutant la paire mardi soir, on se serait cru revenu dans les années 1970, lorsque Bernard Père officiait aux côtés de ce même Thierry Roland. Fixette agressive sur l'arbitrage, imaginaire du tout conspire à nous nuire, progressive décomposition de la voix à mesure que le pire devient sûr ; et surtout, dérogation totale à la vocation élémentaire de la fonction, celle de donner à mieux voir le match. Lorsqu'à la cinquième minute de ce France-Italie, Luca Toni foire une énormissime occasion, les deux compères ne le mentionnent pas.
Tri sélectif des informations aux fins de propagande nationale ? Non, ils n'ont tout simplement pas vu. Je sais de quoi je parle, le chauvinisme est borgne, il ne voit qu'un côté du terrain. Monomaniaque, il occulte tout ce qui ne regarde pas ses affects narcissiques. Cette semaine la France peste contre l'arbitrage, contre le sort, contre les Italiens voleurs de coupe, contre ses médecins infoutus de soigner Vieira, contre son sélectionneur, contre une demande en mariage intempestive - exclusive, la passion chauvine ne saurait admettre que l'amour soit une passion prioritaire. Bref, la France fait la gueule et ne voit pas que se déroule en ce moment la plus belle phase finale depuis très longtemps.
Depuis toujours ? Une chose est sûre, que le ressentiment national doublé d'une humeur structurellement décliniste empêche de considérer : le niveau technique moyen du troupeau professionnel international n'a jamais été aussi bon. Toujours plus vite, plus vif. Après, c'est très simple, les équipes dominatrices sont celles qui lâchent la bride à leur potentiel technique (Pays-Bas, Espagne, Portugal, Russie), les équipes défaites celles qui persistent à se sécuriser, à la mode de la décennie 1995-2005 : Grèce, France, et à un degré moindre, l'Italie (degré moindre qui lui donnera la victoire finale, rappelons-le).
L'échec français et le talent global des débats sont le revers (cuisant) et l'avers d'une nouvelle tendance à l'offensive. Reportant toujours à la compétition suivante sa vraie "fin de cycle" depuis six ans, la France n'a pas pris ce train. C'est le train de l'Europe et comme d'hab nous sommes restés à quai.
François Bégaudeau

LE MONDE. Article paru dans l'édition du 20.06.08