mardi 4 décembre 2012

L’Être et l’Événement

“Le dépit philosophique provient uniquement de ce que, s’il est exact que ce sont les philosophes qui ont formulé la question de l’être, ce ne sont pas eux mais les mathématiciens qui ont effectué la réponse à cette question.”

Si Alain Badiou est en vogue dans les médias, c’est moins pour ses théories philosophiques que pour ses prises de positions politiques. C’est pourtant au sein de ses ouvrages les moins engagés qu’il marque véritablement le paysage philosophique contemporain. Aussi la théorie exposée dans son ouvrage principal, L’Être et l’Événement, rompt-elle avec la volonté que Badiou avait d’ordonner sa réflexion dans l’unique sens de l’action politique. Il y développe une réflexion « métaontologique » sur le rapport entre le savoir mathématique et l’être-en-tant-qu’être. À partir de la théorie des ensembles du mathématicien Georg Cantor, Badiou propose d’appréhender les mathématiques comme fondement de l’ontologie. Mais cette idée est vouée selon lui à ne convenir ni aux philosophes, qui se trouvent dépossédés de la question ontologique, ni aux mathématiciens, qui préfèrent se cantonner à la recherche mathématique pure. En fondant la connaissance du réel comme un savoir, les mathématiques deviennent le discours de ce savoir impliquant que le réel est en lui-même fondamentalement mathématique. En vérité, l’objectif de Badiou est de poser un savoir transhistorique qui articulerait le savoir, l’ontologie et les vérités produites historiquement par l’homme. Savoir par excellence, les mathématiques n’ont, en effet, pas accès à ce qui n’entre pas dans la catégorie de l’être-en-tant-qu’être, c’est-à-dire à l’événement. L’événement selon Badiou ne correspond pas à un savoir mais à des vérités esthétiques, politiques, ou amoureuses… Contingent par nature, l’événement ne peut pas être prédit. Tenant en échec la logique du calcul mathématique, il est de l’ordre du coup de foudre amoureux ou de l’ordre politique avec la révolution. Reprenant l’injonction pascalienne « il faut parier », Badiou propose de parier sur la politique communiste contre le savoir dogmatique, l’ordre mathématique du capital. Figure philosophique de l’engagement, le pari prend acte de l’imprévisibilité de l’événement, là où la vérité « subjectivisée » s’incarne. En tant que métaontologie, la philosophie de Badiou prétend, dès lors, combiner le savoir intemporel incarné par les mathématiques et les vérités historiques afin de dépasser le dualisme stérile entre le savoir et la vérité (1), entre l’être et l’événement.

(1) La vérité en acte 

La vérité, selon Alain Badiou, n’est pas une affaire de théorie mais « une question pratique » qui surgit au cœur de l’événement, c’est-à-dire « de ce qui arrive ». Ce n’est alors plus l’adéquation d’un discours à son objet mais un effort subjectif, une « pure conviction » qui s’apparente à une révélation, pensée cependant comme un processus subjectif.

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