Daniel C.Dennet
Il est l’un des philosophes le plus reconnus aux États-Unis. Ses
livres de philosophie de l’esprit sont nourris de sciences cognitives et
de théorie de l’évolution. Né en 1942 à Boston, il enseigne au Center
for Cognitive Studies de l’université de Tufts (Massachusetts). Son
œuvre comprend plusieurs livres majeurs : La Stratégie de l’interprète,
La Conscience expliquée, Darwin est-il dangereux ?, et Une théorie
évolutionniste de la liberté.
La Conscience expliquée,
L’expérience qui consiste à conduire une automobile tout en menant
une conversation avec son passager est un exemple de la capacité de la
conscience à se scinder en deux « postes de commande » qui dirigent
chacun parallèlement une activité. Pour Daniel C. Dennett, l’un des
grands noms de la philosophie de l’esprit actuelle, auteur du volumineux
La Conscience expliquée, cette simple expérience apporte un
démenti à la théorie cartésienne de la conscience. Rappelons que pour
René Descartes, la conscience est comme un pilote unique et universel
qui gouvernerait l’ensemble des processus mentaux. Il existerait ainsi
dans le cerveau un lieu central de traitement des informations (la
glande pinéale) où toutes les informations venues de nos organes
seraient centralisées et interprétées.
« L’idée qu’il existerait un centre spécial dans le cerveau est
la plus mauvaise et la plus tenace de toutes les idées qui empoisonnent
nos modes de pensée au sujet de la conscience. » Le livre de
Dennett non seulement s’oppose à la thèse cartésienne de la conscience
unique, mais propose une théorie empirique de l’esprit. Selon lui, ce
que nous appelons « conscience » est une illusion. Le mot désigne tantôt
un principe d’identité (être un moi unique et autonome), tantôt un
sentiment d’exister (perception d’émotions, de plaisirs, de souffrance,
d’« intentionnalité », disent les philosophes), tantôt encore la pensée
réfléchie (métacognition, auto-observation et contrôle de soi). Pour
Dennett, tous ces processus sont partiellement disjoints et chacun peut
être éprouvé à des degrés divers. Dans la plupart des faits et gestes de
la vie quotidienne, nous agissons de façon plus ou moins consciente,
plus ou moins vigilante, plus ou moins réfléchie. Seulement dans
quelques rares moments, ces processus se combinent pour former un
sentiment de conscience pleine et achevée. C’est par illusion
rétrospective que nous appliquons à tous nos actes mentaux l’idée qu’ils
agissent de concert, gouvernés par une conscience unique.
Une conscience « pleine de trous »
Dennett oppose à la vision cartésienne une théorie des « versions multiples » de la conscience. «
Selon le modèle des “versions multiples”, toutes les perceptions – en
fait toutes les espèces de pensées et d’activité mentales – sont
traitées dans le cerveau par des processus parallèles et multiples
d’interprétation et d’élaboration des entrées sensorielles. »
À celle d’une conscience unique et omniprésente, Dennett préfère l’image d’un « flux » disparate d’éléments de conscience, un « chaos d’images variées, de décisions, d’intuitions, de souvenirs, etc. » qui sont traités parallèlement et se connectent parfois seulement. « La question que l’on peut poser est : où donc toutes ces choses se rejoignent-elles ? La réponse est : nulle part. »
Le moi conscient ne serait donc qu’un tissage, un regroupement
momentané de fonctions reliées parfois par un récit unique. La plupart
du temps, il existe des « quasi-moi », des bribes de conscience. C’est
pourquoi, selon Dennett, il n’est pas choquant d’attribuer aux
ordinateurs ou aux animaux des éléments de conscience. Après tout,
l’ordinateur qui supervise de multiples fonctions, exécute des
métaprogrammes, vérifie les données, effectue des choix… se comporte
comme une personne qui effectue un calcul mental. La plupart des
opérations mentales (comme marcher ou choisir ses mots du langage
courant) n’exigent pas de nous un retour sur soi qui serait synonyme
d’actes conscients. De la même façon, les animaux ressentent bien la
distinction entre leur corps et le monde extérieur (entre le soi et le
non-soi, disent les psychologues), manifestent des comportements
d’autodéfense (et donc de protection de soi). Inutile donc de postuler
une pensée réflexive pour lui accorder un embryon de conscience.
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