Le Monde 02.10.2012.
Depuis 2008, l'Union européenne
(UE) fait face à une crise économique sans précédent. Contrairement à
ce que prétendent les économistes libéraux, cette crise n'est pas due à
la dette publique. Ainsi, l'Espagne et l'Irlande
subissent aujourd'hui les attaques des marchés financiers alors que ces
pays ont toujours respecté les critères de Maastricht. La montée des
déficits publics est une conséquence de la chute des recettes fiscales
due en partie aux cadeaux fiscaux faits aux plus aisés, de l'aide publique apportée aux banques commerciales et du recours aux marchés financiers pour détenir cette dette à des taux d'intérêt élevés.
François Hollande, après s'être engagé pendant la campagne à renégocier le traité européen, n'y a en fait apporté aucun changement, et choisit aujourd'hui de poursuivre la politique d'austérité entamée par ses prédécesseurs. C'est une erreur tragique. L'ajout d'un pseudo-pacte de croissance, aux montants réels dérisoires, s'accompagne de l'acceptation de la "règle d'or" budgétaire défendue par Merkel et Sarkozy qui condamnera toute logique de dépenses publiques d'avenir et conduira à mettre en place un programme drastique de réduction de l'ensemble des administrations publiques.
En limitant plus que jamais la capacité des pays à relancer leurs économies et en leur imposant l'équilibre des comptes publics, ce traité est porteur d'une logique récessive qui aggravera mécaniquement les déséquilibres actuels. Les pays qui souffrent de l'effondrement de leur demande intérieure seront amenés à réduire plus fortement encore leur demande publique. Alors que plusieurs Etats membres sont déjà en récession, cela menacera davantage l'activité et l'emploi, donc les recettes publiques, ce qui creusera in fine les déficits. Ainsi, l'OFCE prévoit déjà 300 000 chômeurs de plus en France fin 2013 du seul fait de l'austérité. A moyen et à long terme, cela hypothéquera la transition sociale et écologique qui nécessite des investissements considérables.
Au nom d'une prétendue "solidarité européenne", le traité organise de fait la garantie par les Etats des grands patrimoines financiers privés. Il grave dans le marbre des mesures d'austérité automatiques, imposées aux représentants des peuples, en contraignant leurs décisions budgétaires, dictées par une instance non élue.
Le Mécanisme européen de stabilité (MES), institution antidémocratique par excellence, pourrait proposer des prêts à des taux un peu moins élevés (5 % en moyenne). Mais ces prêts seraient conditionnés à l'application d'une austérité drastique imposée aux peuples ! La garantie publique des investisseurs privés ne fait qu'encourager la spéculation, alors qu'il faudrait lui briser les reins en sortant de leurs mains la dette publique. Le constat est sans appel : l'austérité est à la fois injuste, inefficace et antidémocratique.
Nous pouvons faire autrement. L'avenir de l'Europe mérite un débat démocratique sur les solutions de sortie de crise. Une expansion coordonnée de l'activité, de l'emploi et des services publics serait aujourd'hui possible en Europe.
Pour que l'UE mette en oeuvre cette politique, il est urgent de réformer et de démocratiser ses institutions. Un Fonds européen de développement social et écologique, à gestion démocratique, pourrait accentuer cette dynamique. De plus, l'UE pourrait mettre en place un contrôle de la finance.
Les défis sociaux et écologiques sont immenses. Il est possible de défaire le sombre bilan des politiques libérales d'une France qui comprend 5 millions de chômeurs et 10 millions de pauvres. Pour s'en donner les moyens, il faut briser l'étau des marchés financiers et non leur donner des gages. C'est pourquoi nous refusons la ratification du traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance.
Collectif de plus de 120 économistes
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