Le Figaro, 02.10.2012
Ces enquêteurs, qui ne sont pas officiers de police judiciaire, sont
soupçonnés de «vols et extorsions en bande organisée, violences
aggravées, acquisition et transport de stupéfiants».
Quatre policiers de la BAC nord de Marseille
ont été interpellés puis placés en garde à vue mardi matin par la
police des polices (DGPN) pour une affaire présumée de corruption. Il
s'agit d'enquêteurs de l'équipe de jour de la BAC qui ne sont pas
officiers de police judiciaire. Leur garde à vue pourra durer jusqu'à 96
heures. La DGPN a notamment fouillé les vestiaires de ces enquêteurs
ainsi que leurs domiciles, a précisé le procureur de la République.
Divers documents ont été saisis à cette occasion. D'autres
interpellations sont prévues, a par ailleurs indiqué le magistrat. Selon
une source proche de l'enquête, sept policiers sont visés au total.
Selon
le porte-parole de la DGPN, Pascal Garibian, les interpellations se
sont déroulées dans le cadre d'une commission rogatoire pour «vols et
extorsions en bande organisée, violences aggravées, acquisition et
transport de stupéfiants». Les deux premiers chefs, de nature
criminelle, sont passibles respectivement de 15 et 20 ans de réclusion.
L'affaire a débuté en novembre 2011 quand la justice a eu vent, via le
préfet de police de l'époque, Alain Gardère, et la délégation régionale
de l'IGPN à Marseille, de «faits troublants» et de «renseignements assez
convergents» concernant des fonctionnaires de la BAC nord. Une
information judiciaire menée par deux juges d'instruction avait été
lancée le 22 février.
Les policiers sont soupçonnés d'avoir volé
des produits stupéfiants ou de l'argent prélevés sur des dealers qu'ils
avaient interpellés, ou de s'en être fait remettre par eux, et d'avoir
fait de même avec des vendeurs de cigarettes à la sauvette. «Un certain
nombre d'entre eux, apparemment, se payaient sur la bête ou prélevaient
leur dîme en espèces ou en nature à des fins sans doute personnelles, ou
peut-être pour accomplir leur travail d'infiltration du milieu
délinquant», a affirmé M. Dallest. Le magistrat a précisé que le dossier
dépassait le simple «fait individuel» mais qu'on était «dans une
pratique assez répandue au sein de ce service et depuis assez
longtemps», évoquant des «faits troublants, très suspects», qui se sont
déroulés dans Marseille intra-muros.
«Une instruction criminelle de vaste ampleur»
«Pour
l'instant, a ajouté le procureur, nous sommes dans une instruction
criminelle de vaste ampleur, qu'il faudra approfondir ultérieurement»,
soulignant que si des faits nouveaux étaient avérés - la corruption,
notamment, n'est pour l'instant pas visée par l'instruction -, «ils
feront l'objet d'un réquisitoire supplétif». Évoquant la motivation des
fonctionnaires interpellés, M. Dallest a lancé plusieurs hypothèses:
«L'appât du gain», «rendre service» ou «des raisons professionnelles
d'infiltration», soulignant qu'à ce stade de l'enquête la hiérarchie
n'était pas impliquée. «Il ne faut pas stigmatiser l'ensemble des
fonctionnaires d'un service mais déterminer s'il y a eu des brebis
galeuses au sein de ce service», a-t-il martelé, ajoutant que tout le
travail d'enquête serait de «dépasser les rumeurs, les accusations, le
qu'en-dira-t-on».
Cette affaire survient alors que les têtes
viennent de changer au sommet de la police marseillaise, avec l'arrivée
d'un nouveau directeur départemental de la Sécurité publique,
Pierre-Marie Bourniquel, d'un nouveau préfet de police des Bouches-du-Rhône, Jean-Paul Bonnetain,
et d'un nouveau directeur de la police judiciaire, Christian Sainte.
Pour David-Olivier Reverdy, représentant zonal adjoint du syndicat de
policiers Alliance, «il est urgent d'attendre maintenant le résultat de
l'enquête. S'il y a une tâche dans un service, on ne peut jeter
l'opprobre sur toute la police marseillaise comme on a souvent tendance à
le faire».
Début septembre, un comité interministériel sur la
criminalité à Marseille, présidé par le premier ministre Jean-Marc
Ayrault, avait réuni une quinzaine de ministres, notamment Manuel Valls (Intérieur), Christiane Taubira (Justice), dans la deuxième ville de France, théâtre de multiples règlements de comptes
souvent liés au trafic de drogue. Une opération «mains propres» avait
déjà eu lieu dans la police marseillaise à l'été 2010 sur fond de coup
de filet dans le milieu du grand banditisme.
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