Il n'a pas l'intention de s'étendre. Jean-Marc Ayrault devait se limiter à une "déclaration sur les nouvelles perspectives européennes"
de moins d'une demi-heure, mardi 2 octobre à l'Assemblée nationale. Le
premier ministre, qui ouvre la discussion parlementaire sur la
ratification du traité européen de stabilité budgétaire – suivie, la
semaine suivante, de l'examen du projet de loi organique sur la
gouvernance des finances publiques –, se trouve en première ligne pour affronter ce débat politiquement sensible.
Sa déclaration donnera lieu à un débat – vingt-quatre orateurs sont
inscrits –, mais ne sera pas soumise au vote des députés, lequel aurait
permis aux récalcitrants de gauche de soutenir le gouvernement pour se prononcer, ensuite, contre la ratification du traité. "Si on multiplie les votes, on multiplie les risques de confusion, explique-t-on à Matignon. Un seul vote, c'est la meilleure façon de mettre les parlementaires devant leurs responsabilités."
La question a cependant fait débat au sein de la majorité – le ministre délégué aux affaires européennes, Bernard Cazeneuve,
plaidait pour un vote solennel qui engagerait la majorité –, jusqu'à
être tranchée au nom d'un argument imparable : si vote il y avait à
l'Assemblée, comment expliquer qu'il n'y en ait pas un, aussi, au Sénat ? Et, là, pas de majorité.
"LE TEXTE EST INCHANGÉ, MAIS IL EST COMPLÉTÉ"
L'exécutif entend cependant obtenir, avec la ratification du traité, un appui à la politique de "réorientation" européenne engagée par le chef de l'Etat. "Si nous condamnons l'Europe
à l'impuissance, si nous refusons toute avancée au motif de celles que
nous attendons encore, ce seront les forces du repli qui progresseront
le plus vite", devait plaider M. Ayrault.
Alors que François Hollande a l'intention de rester
discret sur le sujet, Matignon souligne que l'enjeu concerne autant le
chef de l'Etat, qui avait assuré pendant la campagne qu'il renégocierait
le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG),
mais n'a pas été en mesure de le faire formellement.
Ceux qui ont suivi le dossier européen le reconnaissent. "Sur le
traité, il y avait deux façons de procéder : soit la renégociation du
traité lui-même, soit un ajout au traité. C'est la voie du rééquilibrage
externe qui a été choisie, dictée par le vote par référendum des
Irlandais, approuvant la ratification, confie un conseiller. Objectivement,
ça fermait la porte à la renégociation. Il est clair que le texte est
inchangé par rapport au précédent, mais il est complété."
Le chef du gouvernement évoque désormais un traité "rééquilibré" par le pacte de croissance. "J'entends
encore : mais qu'est-ce qui a changé depuis le mois de juin, puisque le
texte du traité est identique ? Mais tout. C'est l'économie générale de
la réponse à la crise qui a été bouleversée", devait arguer M. Ayrault, invoquant les nouvelles dispositions avancées par la Banque centrale européenne (BCE) et son président, Mario Draghi.
Conformément à la campagne menée ces dernières semaines par
l'exécutif, notamment par M. Cazeneuve, auprès des parlementaires
socialistes, ce débat est présenté comme une étape : "Ce paquet européen solde-t-il toutes nos ambitions pour l'avenir ? Non. Mais cette étape est-elle nécessaire pour que s'enchaînent les suivantes ? La réponse est oui", devait exhorter le chef du gouvernement.
"Ce n'est pas un traité sec", insistent les émissaires de l'exécutif, qui se démènent pour limiter les déperditions de voix à gauche. "Nous sommes dans la vitrine. Une bonne partie de nos partenaires observe ce qui va se passer. C'est un critère, à leurs yeux, de la capacité du gouvernement à tenir ses engagements", observe l'un d'entre eux.
Même si l'argument avancé est celui de la crédibilité du pays devant
les instances et les pairs européens – et devant les marchés –, l'enjeu
se situe bien sur la scène nationale. L'Elysée comme Matignon souhaitent
s'éviter un remake des déchirements du traité constitutionnel européen
de 2005, que la brièveté des opérations ne devrait néanmoins pas autoriser cette fois-ci. L'exécutif redoute surtout de se voir placé en situation de faiblesse au Parlement cinq mois après son installation.
"UNE QUESTION DE COHÉRENCE"
La gauche sera-t-elle en mesure de faire adopter seule les deux textes, alors que la droite se fera un plaisir de voter pour un traité négocié par le précédent président de la République ? "Nous allons bien entendu voter un traité qui a été signé par Nicolas Sarkozy. C'est une question de cohérence", répètent à satiété et avec un malin plaisir les responsables de l'UMP.
Jusqu'au scrutin public, prévu mardi 9 octobre, les chefs de la majorité n'entendent pas relâcher leurs efforts. "Il faut qu'il soit adopté le plus largement possible", insiste-t-on à Matignon, soit par une majorité absolue des voix de gauche.
De quel côté pencheront les "silencieux", comme on les
appelle à Matignon, où l'on peinait encore, ces dernières heures, à
établir un pointage exact ? A l'Elysée, on estime qu'une vingtaine de
voix de députés proches de Benoît Hamon devraient faire défaut. Bruno Le Roux, le président du groupe PS de l'Assemblée, ne se hasarde à aucun pronostic : "Ça peut encore bouger", assure-t-il.
Le premier ministre devait, mardi matin, intervenir
devant le groupe socialiste. Exceptionnellement, son discours sera mis
en ligne dans la foulée. A l'issue de celui-ci, le groupe se prononcera
par un vote, qui arrêtera la position officielle. En mettant alors ceux
qui voudraient s'en démarquer devant leurs responsabilités. "Il n'y a pas de pressions, jure l'entourage de M. Ayrault. Il y a beaucoup de discussions mais il n'y a pas de pressions." Seulement de pressantes exhortations.
David Revault d'Allonnes et Patrick Roger
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