Ce pourrait être une audience prud'hommale comme les autres ayant à se pencher
sur un licenciement comme les autres. Mais la plaignante est incarcérée
et, par son action, elle porte devant la juridiction l'épineuse
question du travail carcéral. Ce mercredi 12 septembre, le conseil des
prud'hommes de Paris doit juger
sur le fond une affaire opposant une détenue de la maison d'arrêt de
Versailles à la société MKT Societal, une plateforme téléphonique.
Ce dossier soulève une nouvelle fois le problème du statut de celles et ceux qui travaillent en détention. Sur ce point, l'article 717-3 du code de procédure pénale est clair : "Les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l'objet d'un contrat de travail". Selon la loi pénitentiaire votée en 2009, les détenus signent un "contrat d'engagement" avec l'administration pénitentiaire, qui octroie de son côté des concessions à des sociétés privées.
Ces règles dérogent donc au droit commun. Les salaires aussi sont différents. A titre
d'exemple, le seuil minimum de rémunération (SMR) pénitentiaire fixé
par l'administration était de 4,03 euros brut de l'heure en 2011,
lui-même calculé sur la base du smic 2010, qui se montait à 8,86 euros
brut de l'heure. Soit deux fois moins, donc.
L'ENTREPRISE EN LIQUIDATION JUDICIAIRE
Les avocats de la détenue estiment que la prestation de travail, la
subordination juridique et la rémunération créent de fait l'existence
d'un contrat à durée indéterminée, qu'ils entendent faire reconnaître.
L'audience, qui devait se tenir en février dernier, avait finalement été reportée. Entretemps, MKT Societal avait sollicité après de l'Observatoire international des prisons (OIP) un audit pour tenter de montrer que le déclassement de la demanderesse avait respecté les règles en vigueur. Une demande rejetée par l'observatoire.
Mais depuis, comme en atteste le registre des sociétés, l'entreprise MKT Societal a été mise en liquidation judiciaire. Selon Me Martine Lombard, qui assurait la défense
de la société, c'est la conséquence directe de la polémique née en
février dernier, à laquelle quelques lignes défavorables du contrôleur
général des lieux de privation de liberté (CGLPL) sur la société avait
donné de l'écho. En octobre 2010, MKT Societal avait en effet été
épinglée par le CGLPL, qui avait noté dans un avis que les horaires
étaient variables et que les taux horaires de rémunération "ne correspondaient en rien ni aux taux horaires affichés ni au salaire minimum de référence".
En février, Laura Geradon de Vera, présidente de MKT Societal, avait assuré au Monde.fr que "la réalité est qu'on a toujours payé les détenues conformément aux tarifs affichés" et explique que "le constat des variations de salaires fait par M. Delarue est dû à un bug du logiciel de l'administration pénitentiaire, qui édite les bulletins de paie".
Me Lombard assurait pour sa part qu'elle comptait soulever
l'incompétence du conseil des prud'hommes, compte tenu des règles
dérogatoires qui s'appliquent en détention, soulignant par ailleurs que
la détenue était employé par l'administration pénitentiaire et non par
MKT Societal. L'audience du 12 septembre pourrait à nouveau être
renvoyée, MKT Societal étant en liquidation judiciaire. MKT dont la
destinée est désormais entre les mains d'un mandataire et des AGS
(régime de garantie des salaires).
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