Le principe de l’émission, c’est qu’il n’y en pas.
Voilà déjà la preuve d’une belle ouverture d’esprit. On enferme
simplement des gens dans un loft baptisé « maison des secrets » et on
les laisse se débrouiller, le seul enjeu consistant à découvrir les
secrets des colocataires. Parmi les secrets annoncés par Benjamin
Castaldi : « Je suis millionnaire. » Acclamations du public. Puis : « J’ai été SDF. »
Acclamations du public. Vous en connaissez beaucoup, vous, des
émissions où l’on acclame pareillement des SDF et des millionnaires ?
Assurément, Secret story combat les antagonismes de classe, dépasse les clivages sociaux dans un bel esprit républicain.
Iconoclaste, Secret story se distingue aussi par son
invention formelle. Benjamin Castaldi en est l’artisan. Il a entrepris
de réhabiliter le silence, ce silence devenu si rare dans la frénésie
télévisuelle habituelle où le moindre blanc est banni. Benjamin
Castaldi, lui, n’hésite pas à user de cette figure réthorique. Extrait :
« Heu… (silence). Hum… (silence). Où sont les candidats ? Heu… (silence). Hum… (silence). Est-ce qu’ils m’entendent ? Parce que meubler si on n’entend plus, ça sert pas à grand-chose. » Vous
en connaissez beaucoup, vous, des animateurs qui reconnaissent que «
meubler si on n’entend plus, ça sert pas à grand-chose » ? Qui savent
créer un silence d’une telle profondeur ? Parce qu’un silence de
Benjamain Castaldi dans un prime-time de Secret story, c’est un
morceau de néant à l’intérieur du néant, un véritable trou noir que les
physiciens du Cern devraient prendre la peine d’introduire dans leur
accélérateur de particules.
Même souci de modernité avec les candidats. Puisque les OGM vont résoudre le problème de la faim dans le monde, la production a voulu promouvoir cette technique : « Ce sont des candidats génétiquement modifiés pour la télé-réalité », a
précisé Benjamin Castaldi. Attention quand même aux faucheurs
volontaires qui pourraient envoyer un commando à La Plaine-Saint-Denis.
Par ailleurs, le casting de Secret story présente d’excellents
exemples de mobilité géographique et professionnelle, seules capables
d’enrayer la montée du chômage. Prenez Romain, qui est parti tenter sa
chance à Los Angeles : « Je fais un peu d’acting, un peu de modeling, un peu de clubbing. » Et du camping-caravaning, peut-être ? Ou du foutage de gueuling ?
Mais c’est en faveur de l’égalité des sexes que Secret story accomplit sa plus grande mission civilisatrice. Je suis particulièrement sensible au sujet, car, jeudi dernier,
j’assistais à l’inauguration de la Commission sur l’image des femmes
dans les médias, une commission qui réalise un travail formidable pour
combattre les inégalités et lutter contre les stéréotypes. Secret story, c’est
pareil. Non seulement l’émission présente autant de candidates que de
candidats, mais cet égalitarisme statistique se double d’une lutte sans
merci contre les clichés qui maintiennent les femmes dans un statut
d’infériorité.
Voici, d’abord, comment les hommes se décrivent. Romain : « J’aime les blondes à forte poitrine. » Léo : « Je suis une petite ordure. » Kevin : «
Je sais que je suis beau. Une fille, pour qu’elle me plaise, faut
qu’elle soit blonde comme moi, grande comme moi, sportive comme moi. » Jonathan : « Avec les filles, je suis un goujat. »
Belle autocritique ! A l’orée du XXIe sicècle, après des millénaires de
société patrilinéaire, de jeunes hommes reconnaissent enfin leurs
préjugés machistes et avouent la goujaterie de leur comportement. Voilà
bien une attitude féministe.
Féministe, Secret story l’est sans complexe. Les
candidates, à l’opposé des millions de femmes revêtues de burqua qui
envahissent nos villes et nos villages, assument leur féminité.
Résolument modernes, libérées de la tyrannie des clichés, elles
revendiquent être toutes des salopes (sauf ma mère et puis ma sœur).
Daniela : « Je suis vulgaire. » Cindy : « Je suis prête à tout. » Angie : « Je suis une bimbo qui s’assume. J’adore mes gros seins. Et vous, ils vous plaisent ? » Benjamin Castaldi : « Vous avez déjà une fan qui est parmi nous, c’est votre petite fille, Manon. » Angie : « Oui, Manon, je t’aime très très fort, t’es l’amour de ma vie. »Secret story, c’est aussi un programme familial grâce auquel les petites filles peuvent regarder leurs mamans user de leur « 95 G » en direct à la télé, une émission qui rassemble toutes les générations pour une formidable éducation au civisme mammaire.
Preuve de son féminisme militant,Secret story, c’est aussi la liberté pour les candidates de s’habiller comme elles veulent, de se promener en burqua si ça leur chante. Je l’ai compris en percevant un dialogue à demi audible lors de l’arrivée d’une candidate dans la maison déjà occupée par quelques locataires : « Tiens, c’est la robe que j’ai essayée hier. » « Moi j’ai pris mes vêtements à moi. » Si les candidates portent toutes des jupes ou des robes ras-la-touffe, c’est donc parce que cela correspond à la nature féminine et pas du tout parce que la production les y a encouragées.
Preuve de son féminisme militant,Secret story, c’est aussi la liberté pour les candidates de s’habiller comme elles veulent, de se promener en burqua si ça leur chante. Je l’ai compris en percevant un dialogue à demi audible lors de l’arrivée d’une candidate dans la maison déjà occupée par quelques locataires : « Tiens, c’est la robe que j’ai essayée hier. » « Moi j’ai pris mes vêtements à moi. » Si les candidates portent toutes des jupes ou des robes ras-la-touffe, c’est donc parce que cela correspond à la nature féminine et pas du tout parce que la production les y a encouragées.
Les hommes sont des salauds et les femmes sont des salopes : pour Secret story,
l’égalité des sexes n’est même plus un combat, c’est déjà une réalité.
De tels efforts devraient être récompensés. La Commission sur l’image
des femmes dans les médias, coutumière des sermons, des remontrances,
des leçons de morale, devrait aussi saluer les initiatives qui
promeuvent l’égalité hommes-femmes. Je l’encourage à adresser une lettre
de félicitations à TF1, 1, quai du Point-du-Jour, 92100
Boulogne-Billancourt.
Enthousiasmé, j’ai suivi Secret story tout le week-end. J’ai ainsi assisté dans cette vidéo à la révélation du premier secret découvert par les colocataires. Rosa ne s’appelle pas Rosa mais Rachel et c’est une ancienne Miss France. Démasquée par Léo, Rosa dut admettre la vérité : « Il y a deux ans, il m’est arrivé un truc qui m’a bouleversé ma vie : je suis Rachel, Miss France 2007. » Une candidate : « Ah mais oui, je t’ai vue à Lille dans une dédicace aux Galeries Lafayette ! » Léo : « Là je vais t’embrasser parce que tu m’as fait gagner de l’argent. » Un candidat (hors champ) : « Oh le juif ! Oh le juif ! »
Incroyable ! Sans le vouloir, le candidat hors champ a révélé un des secrets de la « maison des secrets » : Léo est juif. Preuve que Secret story, en plus de ses autres qualités, est une émission farouchement œcuménique. Ça mérite une récompense. J’encourage les associations qui luttent contre l’antisémitisme à adresser leurs lettres de félicitations à TF1, 1, quai Point-du-Jour, 92100 Boulogne-Billancourt.
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