Dans un contexte tendu
entre la Pologne et l'Union soviétique, le Polonais Władysław
Kozakiewicz domine le Soviétique Konstantin Volkov aux Jeux de Moscou,
en 1980. (Photo staff. AFP)
Les footballeuses
nord-coréennes rencontrent aujourd'hui les Etats-Unis. Un affrontement à
la dimension politique forte, comme l'histoire olympique en a déjà
beaucoup offert.
Par ARNAUD DI STASIO, OLIVIER BÉDORA
La Corée du Nord en compétition internationale, c’est toujours une saveur particulière. Souvenez-vous de la rumeur frelatée
qui envoya l'équipe de football nationale au bagne, après un piteux
Mondial 2010. Alors imaginez l’incident diplomatique lorsque les
footballeuses nord-coréennes, préparant leur premier match du tournoi
olympique contre la Colombie, ont vu le drapeau … sud-coréen
à la place du leur ! Les Asiatiques affrontent aujourd'hui l'ennemi
impérialiste, les Etats-Unis. Un match qui sent le souffre. Pas si rare
en Olympie…
Berlin 1936, le duel Luz Long-Jesse Owens
L’opposition idéologique entre l’Amérique de Roosevelt et le Reich
d’Hitler se cristallise lors de la finale du saut en longueur des Jeux
de Berlin. Luz Long, le prototype de l’athlète aryen, est leader du
concours après deux essais. En qualifications, l'homme s'était même
permis de dépoussiérer le record olympique. Face à lui, un universitaire
brillant : Jesse Owens, natif de l’Alabama et surtout afro-américain.
Jesse Owens rate ses deux premiers essais en mordant la planche. C’est
alors que Luz Long, dans une ambiance chauvine au possible, donne
quelques conseils à l’Américain.
«Tu devrais assurer ta planche pour ton dernier saut»,
lui dit-il en substance. Jesse Owens s'applique et atterrit à 8m06.
Record du monde, il tue le concours. Devant le Führer médusé, les deux
athlètes fraternisent et s’embrassent. Hitler en voudra énormément à Luz
Long et l’enverra sur le front sicilien, où il trouvera la mort.
Melbourne 1956, le bassin de water-polo ensanglanté par le match Hongrie-URSS
A peine un mois après l’intervention de l’armée Rouge pour réprimer
l’insurrection de Budapest, le tournoi de water-polo des Jeux olympiques
de Melbourne offre une affiche particulière : Hongrie-URSS... Le
6 décembre 1956, les deux équipes s’affrontent en demi-finale pour ce
qui restera comme le «bain de sang de Melbourne». La rivalité déclenche
un déchaînement de violences, les exclusions temporaires se multiplient
et, alors que les Hongrois mènent 4 à 0, le match tourne au pugilat au
point que l’eau du bassin se serait teintée de rouge. Frappé par le
Soviétique Valentin Prokopov, Ervin Zador sort du bassin le visage en
sang. La violence est telle que les organisateurs anticiperont la fin du
match, craignant un lynchage des joueurs de l’URSS par le public,
composée majoritairement de Hongrois immigrés en Australie.
Rome 1960, le duel indo-pakistanais en hockey sur gazon
A l’instar du cricket, le hockey sur gazon a été pour les
Britanniques un moyen de contrôler les élites indiennes. De 1928 à 1956,
l'équipe indienne, d'abord sous tutelle de la couronne, truste tous les
titres olympiques. Une domination qui s'interrompt à Rome en 1960.
Alors que les relations diplomatiques avec le Pakistan sont très
tendues, les Indiens, menés par le vétéran métis Leslie Claudius,
chutent en finale contre leurs rivaux. Le buteur pakistanais Naseer
Banda devient un héros national.
Munich 1972, la fin de match dantesque entre basketteurs américains et soviétiques
La finale du tournoi olympique de basket-ball oppose l’URSS aux
Etats-Unis. Nous sommes au cœur de la guerre froide, la «détente» a
montré ses limites. Depuis l’introduction du basket aux JO, en 1936,
l'équipe américaine a toujours remporté l’or. A Munich, en ce
9 septembre 1972, c’est bien parti pour un nouveau titre jusqu'à ce
qu'éclate l’une des plus grandes controverses de l’histoire olympique. A
trois secondes de la fin du match, les Américains mènent d’un point. Au
coup de sifflet final, les Soviétiques se plaignent qu’on ne leur a pas
accordé un temps mort. Trois secondes doivent être rajoutées au
chronomètre mais le buzzer retentit après seulement une seconde, si bien
que les Américains commencent à célébrer leur victoire sur le parquet.
Les arbitres font rejouer les trois dernières secondes. Cette fois-ci,
les Soviétiques parviennent à marquer et remportent le match 51 à 50.
Les Américains ne viendront même pas chercher leur médaille d’argent.
Montréal 1976, le coureur cubain qui fait la nique aux Américains
Depuis quinze ans, les Etats-Unis et Cuba ne se parlent plus, l’Oncle
Sam tolérant mal qu’une révolution de «Barbudos» communistes chatouille
ses côtes floridiennes. L’embargo est voté dès la crise des missiles
en 1962. Sur le plan sportif, les rencontres sont rares. A Montréal, les
sprinteurs américains viennent poursuivre leurs traditionnelles razzias
de médailles. Et font connaissance avec un phénomène nommé Alberto
Juantorena. Sur 800 mètres, «El Caballo» repousse les assauts de Rick
Wohlhuter. Impressionnant, il enlève aussi le 400 mètres en remontant
Fred Newhouse et Herman Frazier dans les cinquante derniers mètres. Il
célèbrera sa victoire en la dédiant à la révolution cubaine. Juantorena
entre dans la légende comme étant le premier Latino à battre les
Américains en demi-fond et en sprint. Cuba n’en tirera pourtant aucun
bénéfice, et accusera les Etats-Unis de guerre bactériologique, relevant
des épidémies de peste porcine et de dengue hémorragique sur son
territoire.
Moscou 1980, le bras d'honneur du perchiste polonais au public russe
On loue souvent le rôle du public dans une partie sportive. Ce serait
vite oublier qu’il peut être totalement antisportif et même à la limite
de la bêtise humaine. Ce fut le cas lors de la finale de la perche aux
Jeux de Moscou. Le public russe conspua les athlètes polonais. La
cause ? A la fin des années 70 souffle un vent nouveau sur Gdansk et
Varsovie. Karol Wojtyla devient Jean-Paul II, et Anna Walentynowicz,
ouvrière des chantiers navals de Gdansk, crée la première association
libre. Licenciée, elle reçoit le soutient de jeunes gens de Gdansk qui
vont créer Solidarnosc, le premier syndicat indépendant du pays. Bref,
les Polonais ne veulent plus de la domination de leur encombrant allié.
C’est dans ce contexte que Władysław Kozakiewicz rivalise avec
Konstantin Volkov, le chouchou du stade Loujniki, aux Jeux de Moscou.
Mieux, le Polonais s’impose finalement avec 5m78. Record du monde. Et un
bras d’honneur généreux à l’adresse du public soviétique qui avait
cherché à le déstabiliser pendant tout le concours. L’ambassadeur d’URSS
en Pologne demandera que le CIO retire sa médaille. La télévision
d’Etat polonaise parlera elle de trouble musculaire. Kozakiewicz devient
un héros national, la photo de son geste faisant le tour du pays.
Athènes 2004, l'Argentine mouche les Etats-Unis
Il y a des symboles qui font parfois office d’exutoire pour un
peuple. En Argentine, les «cabezitas negras» (les têtes noires) des
banlieues de Buenos Aires ou de Cordoba n’ont pas oublié la crise subie
par leur pays. Des banques qui s’effondrent, des ministres et des
présidents qui valsent, des industries qui licencient, et une
bourgeoisie qui part s’exiler en Europe ou en Amérique du Nord. Les
Argentins sont persuadés que les remèdes de la crise, douloureux, sont
attribuables au FMI et particulièrement aux Etats-Unis. Par ricochet,
l’attitude de la Dream Team américaine aux JO d’Athènes, en 2004, est
perçue comme présomptueuse. Les Américains pensent ne faire qu’une
bouchée des ciel et blanc en demi-finale des Jeux. Les hommes de
Ginobili, Noccioni et Hermann vont pourtant rentrer dans le lard des
joueurs estampillés NBA. Le match devient chaud et chacun se branche
volontiers sur le parquet. Luis Scola marque le panier de la gagne. Et
exulte. L’Argentine décroche la médaille d’or et a l’impression d’avoir
soldé les comptes de la crise.
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