samedi 4 août 2012

Extrait de l'article: "La natation française, les secrets d'un triomphe"

Le Temps,  Isabelle Musy, 31.07.2012.

Mais comment font-ils pour être aussi bons ? s'interroge le quotidien suisse, après la nouvelle médaille d'or remportée par Yannick Agnel sur le 200 m nage libre le 30 juillet. Le Temps a enquêté sur le chemin parcouru depuis les JO d'Atlanta en 1996.

"[...] Pour Fauquet, tout a commencé à Atlanta et un constat d'échec après le zéro pointé des nageurs tricolores: "Nous sommes partis de très bas. Ce jour-là, j'avais dit  : nous n'existons plus." Ce jour-là, son désarroi fut nourri aussi par les plaintes de Franck Esposito, qui lui confiait en avoir marre de croiser au petit matin des athlètes rentrant de boîte de nuit. Ce jour-là, Fauquet réalisa qu'il fallait élever le niveau d'exigence et changer les mentalités. Il décida d'entamer une révision profonde du système. "Depuis Atlanta 1996, ce sont seize ans de travail permanent, de progrès réalisés pas à pas." Reprenant cette célèbre phrase de l'écrivain Antoine Houdar de la Motte - 'L'ennui un jour naquit de l'uniformité' -, l'ancien DTN a renoncé au concept souvent répandu de regroupement des meilleurs. "Le sport n'est rien d'autre que l'expression de la société où chacun a quelque chose à apporter. Convaincus que la richesse vient de la diversité culturelle, nous avons refusé l'idée d'une méthode française à laquelle adhérer. Nous avons valorisé les clubs. Nous en avons dix en compétition entre eux avec des entraîneurs ayant tous la capacité d'atteindre le plus haut niveau mondial." Cette absence de pôle national génère d'inévitables guerres de clochers entre clubs et entraîneurs. "Peu importe, tant que cela reste de l'émulation et de la motivation."


Depuis Atlanta, la Fédération a changé les calendriers, revu les modes de sélection et les méthodes d'entraînement, mis en place une cellule de recherche. Dès 1996, Fauquet a instauré l'idée de minima et d'une sélection aux Européens, Mondiaux et JO basée sur une seule compétition, les Championnats de France. Pour habituer les nageurs à performer le jour J. "Aux Mondiaux de 1998 à Perth, ils n'étaient que neuf athlètes sélectionnés. Tout le monde se moquait de l'équipe de France, se souvient Benoît Lallement, chef du groupe olympique à L'Equipe, qui fut pendant longtemps le correspondant natation. Mais à neuf, ils ont décroché quatre médailles, trois d'argent et une en or avec le titre historique de Roxana Maracineanu. Ce fut un premier déclic. Une source d'inspiration. Plein de gens ont vu que c'était possible. Ce d'autant plus que Roxana avait certes du talent, mais ce n'est pas Manaudou ou Agnel." Parallèlement, les critères de sélection se sont aussi durcis à la base chez les juniors. Denis Auguin, l'entraîneur d'Alain Bernard, dit que tout le monde avait hurlé au scandale. "Mais on s'est vite rendu compte que ce serait une source de motivation", confie l'Antibois.

Le retour de Laure ManaudouLe succès ne se construit pas en un jour et le chemin de l'équipe de France a encore été bafouillant à Sydney avec une seule médaille, et aux Mondiaux 2001 d'où les Bleus sont revenus bredouilles. Puis Laure Manaudou est arrivée. Bousculant les mentalités avec cet aplomb qui lui fit clamer à 15 ans qu'elle allait devenir championne olympique. La suite, on la connaît. L'histoire de la môme d'Ambérieu, aussi complexe fût-elle, a eu un effet indéniable sur la suite du parcours des Bleus. Elle a influencé des nageuses comme Muffat et Coralie Balmy.

Manaudou, championne précoce, paie aujourd'hui le prix d'une pause salutaire et d'une grossesse épanouissante. Alain Bernard paie la déperdition d'énergie d'un titre olympique parfois lourd à porter. Mais ces deux-là auront été les fondations de ce qui se trame ces jours dans le centre aquatique des Jeux de Londres. "Je n'aime pas l'idée d'exemple mais d'ouverture de portes. Laure et Alain ont montré que c'était possible, insiste encore Claude Fauquet. La génération actuelle est née de l'exigence et la croyance qu'aucun nageur n'est invincible. Il a suffi dimanche que Magnussen rate son premier 100 m pour que les Français sautent sur l'occasion." Il insiste, ce qui s'est passé à Pékin a été fondamental. Le fait d'avoir raté l'or de 8 centièmes est resté dans les esprits. "Quand on mobilise et qu'on crée les conditions de la confiance, plus rien n'est impossible. Nous avons là une vraie machine de guerre avec analyses vidéo en direct et logisticiens. C'est aujourd'hui le fruit d'un long travail qui se perpétue et s'améliore." La France appartient bel et bien au club restreint des tout grands de la natation."

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