mercredi 10 septembre 2008

Vers 1850

"Les cercles de métal qui enserrent mon coeur se referment chaque jour davantage, plus rien ne peut sourdre. En vérité, plus le monde s'agrandit, plus la farce devient déplaisante et très sincèrement, je trouve les grivoiseries et les âneries des arlequinades moins écoeurantes que la nature profonde des hommes, grands, moyens et petits tous mêlés. J'ai prié les dieux de me garder courageux et sincère jusqu'à la fin et même d'avancer cette fin plutôt que de me laisser parcourir la dernière partie du chemin en rampant lamentablement. J'implore les dieux et me sens assez courageux pour leur vouer une haine éternelle s'ils veulent se comporter envers nous comme les hommes." (Goethe à Madame Von Stein, 19 Mai 1778)

Au premier coup d'oeil on perçoit le répugnant en l'homme, sa physionomie, ses manières, donc on s'abstient de faire plus amplement connaissance et, dans la plupart des cas, c'est tout bénéfice. Les hommes sont ce dont ils ont l'air, on ne peut rien dire de pire. Il suffit de regarder des visages auxquels on n'est pas encore habitué pour avoir honte d'être un homme. Il est toujours troublant et souvent dangereux de voir apparence et réalité diverger: voilà pourquoi j'aime quand le monde semble aussi désert à mes yeux qu'à ma raison.

Arthur Shopenhauer, A soi-même, trad. de l'allemand par Guy Fillion, Cahors: L'anabase.

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