Étudiant à la Sorbonne et à l’ENS-Ulm, il suit les cours de Jean
Hyppolite, de Georges Canguilhem et de Louis Althusser. Agrégé de
philosophie à 23 ans, il enseigne pendant quatre ans à l’université
suédoise d’Uppsala, puis il termine en Allemagne sa longue étude sur
l’histoire de la folie qui lui vaut son doctorat d’État. Revenu en
France, il publie en 1966 Les Mots et les Choses, œuvre qui le fera
étiqueter comme structuraliste. En 1970, il est élu au Collège de
France.
En 1976, la révolution sexuelle vient d’avoir lieu,
croit-on : finie la prude société victorienne qui étouffait les sens, se
méfiait des plaisirs et de l’éclatement du désir. On parle de sexe et
on le fait. C’est à cette affirmation naïve que s’oppose dans La Volonté de savoir l’historien et philosophe Michel Foucault. Ce premier tome est le premier pas d’une série de trois, composant Histoire de la sexualité, dont les volumes suivants, L’Usage des plaisirs et Le Souci de soi, paraîtront en 1984, l’année de sa mort.
Moins que les pratiques sexuelles, ce sont les discours modernes sur
la sexualité que Foucault s’attache à décrire dans cet ouvrage. Pour
lui, le sexe n’est absolument pas interdit de séjour, comme on l’affirme
parfois, mais fait l’objet, depuis le XVIIIe siècle, d’une « explosion discursive »,
d’un passage systématique aux aveux. L’Église, la médecine, la
psychiatrie, les institutions scolaires ont incité les individus, par le
biais de confessions récurrentes, à révéler la teneur de leurs désirs
et de leur sexualité dans les moindres détails.
Pouvoir, corps et biopolitique
L’injonction de tout dire permet alors de distinguer entre ce qui
relève du normal – la sexualité hétérosexuelle à des fins
reproductives – et du pathologique. Tandis que l’on accorde au couple
marital une certaine discrétion, les « sexualités hérétiques » sont
mises à nu, évaluées et spécifiées. Émerge une série de figures
perverses telles que l’homosexuel, le zoophile, l’exhibitionniste, le
fétichiste, etc. Le pouvoir, montre Foucault, cesse ainsi d’être une
instance purement répressive et devient une instance productive qui
élabore un savoir sur la sexualité et, ce faisant, institue des formes
de sexualité.
Au xixe siècle, quatre domaines font l’objet de stratégies
particulières, que Foucault nomme « dispositifs de sexualité » : le
corps de la femme est hystérisé, c’est-à-dire qu’il est décrit comme
saturé de sexualité ; les pratiques masturbatoires chez les enfants sont
prises en chasse ; la perversion est spécifiée et renvoyée non plus à
la prison, mais à la psychiatrie ; les populations, à travers les
politiques natalistes et la contraception naturelle, sont régulées. Se
met alors en place une biopolitique, concept cher à Foucault, qui
désigne l’exercice d’un pouvoir sur la vie biologique des individus. À
l’échelle microscopique, le pouvoir discipline les corps. À l’échelle
macroscopique, il ambitionne de maîtriser la vie de l’espèce.
Contrairement aux idées reçues, la biopolitique que décrit Foucault
n’est pas un instrument de répression des classes dominantes sur les
couches populaires, puisque c’est d’abord elle-même que la bourgeoisie
soumet au dispositif de sexualité. En effet, rappelle Foucault, la femme
oisive ou l’enfant entouré de domestiques ont plus de chances de
« sombrer » dans l’hystérie ou dans l’onanisme. Ce sont donc eux qu’il
faut préserver. Mais ce n’est pas par un mépris de son sexe ou un
refoulement du désir charnel que la classe dominante s’impose ce
contrôle, mais plutôt par une affirmation du « haut prix politique de son corps », de l’importance cruciale de sa vitalité, de sa santé.
L’interdit fera la différence
Peu à peu, les épidémies de maladies vénériennes et les besoins
économiques du XIXe siècle – principalement le manque de main-d’œuvre –
révèlent la nécessité d’une politique des pratiques sexuelles et
reproductives du prolétariat et le dispositif disciplinaire est étendu à
toutes les couches sociales. Pour se démarquer, il ne restera plus à la
classe dominante que la solution de la répression sexuelle, explique
Foucault. Si bien qu’à la fin du XIXe siècle, il n’est plus question
pour la bourgeoisie d’avoir une sexualité saine mais de museler son
désir. Désormais, c’est l’« interdit qui fera la différence ».
Mais ce n’est pas parce que cet interdit est partiellement levé dans les
années 1970 qu’il faut y voir une libération sexuelle, pour Foucault.
Notre goût prononcé pour le sexe et les discours sur le sexe n’étant
jamais que le produit d’un dispositif disciplinaire.
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