La Provence, le 30 août 2012.
| S. Ghali. Photo Guillaume Ruoppolo |
La sénatrice PS maire des 15e et 16e arrondissements Samia Ghali veut des barrages militaires pour stopper les trafics
"Aujourd'hui, face aux engins de guerre utilisés
par les réseaux, il n'y a que l'armée qui puisse intervenir", estime la
sénatrice-maire socialiste des 15e et 16e arrondissaements.
Face à l'insécurité et au trafic de drogue qui gangrènent
certaines cités de Marseille, où le sang a encore coulé cet été, la
sénatrice-maire PS des 15e et 16e arr. prône le recours à l'armée et le
retour du service militaire.
Votre secteur fait partie des
zones de sécurité prioritaires que vient d'instaurer le ministre de l'Intérieur. Qu'allez-vous proposer à Manuel Valls que vous allez
rencontrer prochainement ?
Samia Ghali : Après
ce nouvel été sanglant, il faut que les vérités soient dites. Je pense
que les autorités ne mesurent pas la gravité de la situation. Les
tueries qui se succèdent à Marseille deviennent une attraction
médiatique nationale. La vérité, c'est qu'aujourd'hui, le premier
employeur des jeunes dans certaines cités, c'est le trafic de
stupéfiants. La drogue fait vivre des familles entières. Les armes
prolifèrent . On se tue pour un oui ou pour un non. Si rien ne bouge, on
se dirige tout droit vers un système à l'américaine, avec des gangs qui
se font la guerre sur des territoires où la loi n'a plus court.
La police, dont les effectifs doivent être renforcés dans les zones de sécurité prioritaires, est-elle devenue impuissante ?
S.G. : Ça
ne sert plus à rien d'envoyer un car des CRS pour arrêter des dealers.
Quand dix d'entre eux sont arrêtés, dix autres reprennent le flambeau !
C'est comme combattre une fourmilière. Aujourd'hui, face aux engins de
guerre utilisés par les réseaux, il n'y a que l'armée qui puisse
intervenir. Pour désarmer les dealers d'abord. Et puis pour bloquer
l'accès des quartiers aux clients, comme en temps de guerre, avec des
barrages. Même si cela doit durer un an ou deux, il faut tenir.
Vous
réclamez des sanctions contre les acheteurs de drogue, alors qu'à
gauche nombreux sont ceux qui prônent la dépénalisation de la
consommation de cannabis.
S.G. : C'est
facile de tenir ce discours assis dans un bureau quand vos enfants sont
bien à l'abri ! Je ne supporte pas ces pseudo-gaucho-intello-bobo qui
vous disent que fumer un chichon, ce n'est pas grave. Moi j'ai grandi
dans une cité, je sais ce que c'est que les dégâts de la drogue. Une
étude scientifique vient d'ailleurs de démontrer les ravages du cannabis
sur le cerveau. J'ai vu des mères pleurer en demandant à la police
d'arrêter leurs enfants qui se droguaient et les dealers qui leur
vendaient leurs doses. On ne peut s'indigner le jour de l'existence des
trafics et aller le soir acheter du cannabis ou de la coke dans les
quartiers nord.
Comment aider les jeunes à ne pas tomber dans ces réseaux ?
S.G. : La
plupart veulent s'en sortir, même ceux qui sont déjà dans les trafics.
Dealer, ce n'est pas un idéal de vie. Mais sans travail, il n'y a pas
d'issue. Avec la crise, on ne trouve même plus de petits boulots en
intérim pour tenir quelques mois. C'est pourquoi je propose de rétablir
une forme de service militaire qui permettrait à des jeunes
descolarisés, sans emploi, sans formation de sortir de leur quartier, et
même de quitter Marseille pour 8 mois, un an. Pour apprendre la
discipline bien sûr, mais surtout pour découvrir un autre univers, une
autre réalité que celle de la cité. Et retrouver espoir.
Un gouvernement de gauche peut-il réussir dans le domaine de la sécurité ?
S.G. : Ne
plus avoir peur en rentrant chez soi, ce n'est ni de gauche ni de
droite. Il s'agit aujourd'hui d'une question de moyens, qui manquent à
Marseille. Le gouvernement doit faire un effort particulier pour cette
ville, qui a accumulé beaucoup de retard en matière de logement, de
transport, de mixité sociale. La création de zones de sécurité
prioritaires, que je réclame depuis des années, est un premier pas.
Comptez-vous porter au Parlement des propositions de lois relatives à la sécurité ?
S.G. : Je
voudrais faire voter un texte qui inclut les familles victimes,
menacées, celles qui ont perdu un enfant, dans le dispositif Dalo, avec
obligation de relogement prioritaire. Je travaille sur un autre texte
qui permettrait d'accorder un crédit d'impôts aux foyers qui s'équipent
de caméras de surveillance.
Propos recueillis par Sophie MANELLI
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