Dix mille cinq cents athlètes, 26 disciplines, 205 délégations. Des chiffres révélateurs de l'ampleur internationale des Jeux olympiques. Un événement suivi par 2 milliards de personnes à travers la planète. La fameuse "société du spectacle", théorisée par Guy Debord, en ce que "le spectacle n'est pas un ensemble d'images, mais un rapport social entre des personnes, médiatisé par des images". Un rapport qui transcende l'espace et lie téléspectateurs, adeptes des réseaux sociaux
et athlètes olympiques. La moindre performance, le moindre saut, la
plus petite faille sont observés, analysés, disséqués et commentés. Au
sein d'une société que l'on aime à décrire comme consommatrice de "sport spectacle", profanes et spécialistes y vont tour à tour de leur contribution à ces Jeux olympiques.
RESPECTER LA LETTRE ET L'ESPRIT
C'est dans cet incroyable tourbillon médiatique du "tout tout de
suite" que les JO de Londres 2012 ont commencé. Et c'est dans ce même
élan que l'on voit depuis plusieurs jours l'idéal olympique mis à
l'épreuve du grand public et de son exigence de transparence. Parce que,
pour vibrer,
les amateurs de sport ont besoin du package total : don de soi,
performance, mais surtout sincérité et honnêteté de l'athlète. L'appétit
sportif n'est comblé que lorsque la victoire est méritée, sans détour.
Autant d'exigences mises à mal ces derniers jours après plusieurs
incidents.
DES RÈGLES FRIABLES TROP FACILEMENT ACCOMMODABLES ?
Sans crier cocorico, on peut légitimement déplorer le rejet de la réclamation déposée par la France après les combats de boxe
perdus par Alexis Vastine et Nordine Oubaali, à la suite de décisions
arbitrales contestables et contestées. L'impartialité de certains juges
ou arbitres remise en cause dans ce cas s'ajoute à des comportements
d'athlètes qui manquent cruellement d'éthique et de respect de la
compétition. L'équipe espagnole masculine de basket-ball semble avoir délibérément perdu son dernier match de poule, afin d'obtenir
un quart de finale davantage à sa portée. Une étrange impression de
déjà-vu. Il y a quelques jours, quatre paires de double féminin en
badminton étaient disqualifiées pour avoir
délibérément perdu leurs rencontres respectives afin de se ménager des
quarts de finale plus favorables. Existerait-il ainsi une
hiérarchisation de l'importance des sports olympiques de la part du
CIO ? En clair, la règle sportive s'accommoderait-elle de traitements de
faveur et des sirènes de la médiatisation, en fonction de la notoriété
du sport concerné ?
A cela s'ajoutent la parodie médicale du coureur algérien Taoufik Makhloufi
(qui a présenté un simple certificat médical justifiant son abandon au
800 m lui permettant d'être requalifié par l'IAAF pour le 1 500 m du
lendemain) et une absence de réaction arbitrale pour le moins étrange en
cyclisme sur piste à la suite d'une chute délibérée d'un coureur britannique pour rattraper un mauvais départ en qualifications et recommencer sa course.
Que penser également de l'arrêt inédit de la finale du deux poids léger en aviron pour permettre
au bateau britannique de réparer la casse d'une roue de coulisse en
dépit des règlements applicables à cette épreuve lorsque, quelques jours
plus tard, on n'interrompt pas le parcours du cavalier français, Simon
Delestre, au concours de saut d'obstacles alors que sa rêne s'est brisée
et que cette situation est particulièrement dangereuse pour le
cavalier, voire pour sa monture ? Quelle conclusion tirer
de l'absence de réaction du CIO après les déclarations d'un nageur
affirmant qu'il a triché durant la compétition de brasse qu'il a
remportée ? Ces décisions arbitrales ou fédérales, voire ces silences,
ne nous semblent pas concourir à la promotion de l'esprit olympique tel que défini par la Charte olympique.
INCITER LES FÉDÉRATIONS AU "PENSER ET AGIR OLYMPIQUES"
Si la Charte olympique énonce que les athlètes concourent
sous la direction technique des fédérations internationales concernées
(article 6.1) et que la mission de celles-ci est de veiller,
conformément à l'esprit olympique, à l'application des règles relatives
à leurs sports respectifs (article 26.1), c'est le Comité international olympique qui est le véritable garant de l'esprit olympique. Sans aller jusqu'à prendre des sanctions telles que celles prévues à l'article 59 de la Charte olympique, le CIO, s'il souhaite conserver l'intérêt du grand public pour les JO, devrait rappeler
aux fédérations internationales que chacune de leurs décisions doit
être inspirée par la transparence et l'équité qui sont les valeurs
intrinsèques et intangibles de l'esprit olympique.
Muriel Féraud-Courtin et Maxime Leblanc
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