S’agissant du commerce des œuvres d’art, ne faut-il pas commencer par
écrire que depuis Napoléon III et son surintendant des Beaux-Arts, le
comte de Nieuwerkerke, la bourgeoisie française a mené une guerre sans
merci contre la création dans ce domaine ? Lorsque Gustave Caillebotte
meurt en 1899, faisant de Renoir son exécuteur testamentaire, il fait
don au Louvre de sa collection des tableaux de ses amis
impressionnistes. L’État en élimine les trois quarts et les Cézanne
refusés traversent l’Atlantique. Cette conduite modèle a eu des suites.
En 1928, le grand couturier Jacques Doucet a adressé à la direction des
musées de France une offre de donation des Demoiselles d’Avignon
quelques mois avant sa mort. Sans réponse à son décès, compte tenu d’une
succession embarrassée, la veuve vend le tableau qui part au musée
d’Art moderne de New York. Jusqu’en 1947 d’ailleurs, les institutions de
la France ne témoigneront aucun intérêt au peintre espagnol né en 1881,
mais qui vit dans notre pays depuis 1900. Si de grandes fortunes
d’aujourd’hui participent à la spéculation internationale comme François
Pinault, l’achat d’œuvres est loin d’être le cas de ceux dont les
revenus le leur permettraient : il n’y a guère de marché national dans
notre pays, sauf les achats publics, orientés de façon très étroite.
La taxation de la possession d’œuvres d’art pose un autre problème,
celui de la volatilité de la valeur de ces biens mobiliers, qui pose
interrogation depuis 1981 et fait courir le risque de fuite du
patrimoine national sur le marché mondial. La question la plus urgente
est celle de la rémunération des acteurs de la création, les artistes
qui font ce qu’on appelle pudiquement un second métier pour pourvoir aux
besoins du premier. C’est en proposant de prélever une petite part sur
le chiffre d’affaires des « diffuseurs de l’art » que l’Union des arts
plastiques, en 1975, a trouvé le financement de la part patronale de la
Sécurité sociale des dessinateurs, peintres, graveurs et sculpteurs
auxquels se sont joints les photographes et les graphistes. Cette voie
fiscale semble plus féconde que celle qui consiste à mettre dans le même
sac les Jacquemard André ou les Nissim Camondo qui ont donné leurs
collections à la communauté avec les spéculateurs contemporains.
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