Libération, le 24 juin 2012
Le comportement désinvolte, voire grossier, du milieu de terrain et de l’attaquant tricolores avant et après la défaite face à l’Espagne, samedi, font resurgir les fantômes de Knysna.
Samedi soir au cœur de la Donbass Arena de
Donetsk, une petite heure après la qualification logique de la Roja
espagnole pour les demi-finales de l’Euro au détriment des Bleus (2-0).
Rentré en cours de jeu, Samir Nasri passe sans s’arrêter en zone mixte,
l’espace dévolu aux échanges entre les joueurs et la presse. Juste avant
de monter dans le car, il fait demi-tour, passe sous une barrière et
retourne dans le vestiaire.
Il y restera une dizaine de minutes. Pendant ce temps, Alou Diarra,
Karim Benzema, Hugo Lloris ou Franck Ribéry investissent l’espace et
font face dignement : «On est tombé devant ce qui se fait de mieux
en Europe», «les Espagnols sont plus matures que nous dans le jeu, mais
bon, il leur a fallu six ans», «on leur a laissé le ballon exprès». Nasri revient, avec l’intention manifeste de ne pas répondre à la moindre question. Un journaliste de l’AFP insiste. Nasri : «Vous cherchez toujours la merde. Vous cherchez des histoires.» Le type : «C’est ça, casse-toi.» Nasri : «Va
te faire enculer. Va niquer ta mère, sale fils de pute. Tu veux qu’on
s’explique ? Allez, comme ça, vous pourrez continuer à dire que je suis
malpoli…» Le type recule et se fond dans la masse.
Nasri s’éloigne : dans le car des Bleus, il répétera à un membre du
staff son intention de démolir le gars. L’histoire est terminée. Elle
avait commencé bien plus tôt, deux heures avant le coup d’envoi, lors de
la reconnaissance du terrain par les joueurs français. Seuls les
remplaçants l’ont effectuée samedi. Une bonne moitié d’entre eux donnent
alors l’impression de déambuler dans une kermesse battant son plein. Le
milieu Blaise Matuidi fait des photos avec sa famille venue le
rejoindre au bord de la rambarde, l’attaquant Jérémy Ménez déboule en
claquettes et équipement MP3 avant d’aller se prélasser sur un banc de
touche…
Cirque. Quand il voit l’ailier Hatem Ben Arfa
entreprendre carrément une conversation - elle durera plus d’une
demi-heure - avec son agent assis en bas de la tribune, le directeur
administratif des Bleus, Marino Faccioli, devient livide. C’est le grand
cirque. En rupture de ban avec une partie du groupe depuis mardi (Libération de jeudi),
Nasri a une discussion animée avec l’entraîneur adjoint, Alain
Boghossian. On apprendra plus tard que le joueur demande alors des
explications sur sa non-titularisation, la première dans cet Euro.
Quelques minutes après, Boghossian dira à un proche : «C’est la merde.»
Les remplaçants rentrent au vestiaire en ordre dispersé. Ils
reviennent pour l’échauffement une heure plus tard, cette fois
accompagnée des titulaires. Les trois derniers à rentrer sur le pré :
Samir Nasri, Jérémy Ménez et le petit Marvin Martin, qui s’entraîneront -
si l’on peut dire - ensemble. Ce que font les deux premiers ne
ressemble à rien. Fous rires, pitreries… dont celle-là, que l’on doit au
Parisien : il court vers le ballon en mouvement et essaie de
se stabiliser à pieds joints sur la sphère tout en effectuant un salut
militaire.
Il réitérera cette figure, se tordant même légèrement la cheville une
fois. On n’y comprend d’abord rien : une trentaine de caméras braquées,
mille fois plus de smartphones susceptibles d’enregistrer la scène… On a
pigé d’un coup, quand les deux gars toujours hilares se lancent dans
une séance de frappes pleine puissance à 20 mètres de leurs coéquipiers
autrement concentrés : pour avoir mal pris leur mise sur le banc, Nasri
et Ménez s’offrent alors une petite provocation en mondovision.
«Vaffanculo». Le staff technique ne leur en tiendra pas rigueur : les deux joueurs rentreront à la 64e minute,
au plus fort d’un combat alors légèrement dominé par des Bleus limités
mais courageux, où Ribéry a une fois de plus tenté d’emmener tout le
monde. Nasri patrouilla devant la défense tricolore, s’acquittant
correctement de sa mission. Positionné sur l’aile droite, Ménez est en
revanche passé à côté ; pas un dribble réussi, un agacement qui lui
valut un carton jaune pour un «vaffanculo» lancé à l’arbitre
italien et surtout ce geste invraisemblable envers son capitaine, Hugo
Lloris, qui lui demandait de suivre son adversaire direct : paume vers
le bas et le pouce qui se rabat sur les autres doigts joints, «ferme ta bouche» dans toutes les langues du monde.
En souffrance sur le plan du jeu, les Bleus auront fait énormément
d’efforts lors de cet Euro, sur et en dehors du terrain, pour éloigner
tant que faire se peut l’ombre du bus de Knysna. Samedi, à Donetsk,
Ménez et Nasri auront tout tenté pour les y replonger.
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