Sur le blog de l'actuelle porte-parole
de Nicolas Sarkozy, Nathalie Kosciusko-Morizet, on peut y lire un article,
intitulé: "A propos des « briseurs de grève »", daté du 23 décembre
2011, qui tente de démontrer la légitimité d'une action de l'état et
d'une intervention de la police contre un mouvement de grève alors initié par les salariés d'une compagnie aérienne. Partant cependant d'un
rappel de la loi, instituant le droit de grève en tant qu' "action collective visant à appuyer les
revendications des salariés en faisant pression sur l’employeur par la
perte de production que la cessation de travail entraine",
Kosciusko-Morizet en arrive à remettre en question le droit de grève.
Cet article est intéressant dans la mesure où il traduit parfaitement le
cheminement d'une trajectoire idéologique et la construction d'un discours à l'encontre d'une institution, "la grève", et sa manifestation sur le territoire politique.
L'introduction de cet article est instructive puisqu'elle souligne d'abord, l'appui, l'ancrage, à partir duquel tente de s'articuler tout son argumentaire. Le rappel de la loi apparait comme un garant de
moralité et d'impartialité. Planté là en guise de pavillon ou d'épouvantail, selon, il ne traduit aucunement une volonté de s'y tenir mais de s'y référer. C'est une nuance considérable, une illusion non négligeable car c'est aussi un moyen de s'en
écarter, d'en finir avec un symbole, un mode d'expression et de contestation. L'auteure continue ainsi en décrivant la violence des faits, le drame d'un
"rapport de forces" exprimé par la "perte" que l'un et l'autre endurent
et "mettent en jeu". C'est l'expression d'un vrai cauchemar du point de vue capitaliste. On le perçoit aisément à travers la compassion recherchée dans l'expression du "gâchis" et du "malheur" observés par l'auteure. Cela désigne aussi le premier acte d'un désaccord exprimé à l'égard de la
loi. Kosciusko-Morizet semble en effet minimiser l'expression de ce type de recours en considérant simplement que la grève est un moyen évitable. Cet élément est balayé par l'absence de référence à l'égard des faits qui singularisent tout conflit social. A aucun moment Kosciusco-Morizet ne s'interroge sur les raisons qui ont amené les employés à exercer leur droit de grève et ne revient sur les différends exprimés dans la négociation préalable et ce qu'il coûte d'en venir à cette extrémité. Celle-ci évoque aussi le rôle de "médiateur" qui pourrait revenir à l'Etat. Cette proposition traduit assez bien la conception que les partisans du libéralisme ont des syndicats. Une telle médiation consisterait à anéantir le rôle du syndicat et à supprimer l'expression d'un rapport de force entre les deux parties. L'auteure postule ainsi en faveur d'une égalité
des rapports de force mis en tension. La "perte", estime-t-elle, est quantitativement
observable des deux côtés et de ce point de vue la porte-parole du
président de la République est en phase avec les lignes de défense
préconisées par son camp.
Cette capitalisation des événements et des
forces mises en relations, la perte d'emploi contre la perte de profits
-minimisée par l'intervention des policiers, est évidemment
démonstrative de l'esprit et de l'orientation politique défendus. Notons
que l'intervention du gouvernement, subtilement associé à la notion et à
la "raison" d'Etat, à travers l'intervention des policiers, symbolise
parfaitement l'expression d'une libéralisation des rapports de pouvoir. Il s'agit encore de faire croire que la médiation orchestrée par l'Etat ou plus exactement le gouvernement est neutre et impartiale.
Une certaine confusion est d'abord délibérément opérée, portant sur une
absence de distinction entre égalité et réciprocité. La volonté de
construire une symétrie est autant une manière de décharger, déculpabiliser le rapport de force et les liens qui existent, sous leurs
formes habituelles (employeur/syndicat). L'auteure de l'article propose
d'ailleurs l'intervention de médiateurs dans le règlement des conflits
opposants l'employeur et les employés. Sans doute est-ce une manière de
contourner la question d'une représentation syndicale et sa fonction? On
remarque au passage que la guerre menée à l'encontre des syndicats
évoluant dans le cadre du secteur tertiaire, répondant à la notion de
services, est particulièrement âpre et ouvre un champ de perception et
de prospection nouveau sur le plan idéologique et politique. La notion
de services donne des arguments qui recourent à nouveau à la question de
la morale et de la compassion, à défaut de la raison proposée par la loi. Comme en témoigne l'allusion faite à la sécurité des voyageurs ou encore à l'usager qui personnifie, dans les circonstances de cette affaire, le travailleur lésé par la grève, qui a oeuvré durement pour pouvoir rejoindre les siens, etc. Une figure compassionnelle, avec
laquelle nous sommes devenus familiers, est ainsi régulièrement apparue au cours de ces dix dernières années.
Celui qui est régulièrement nommé comme "otage" atteste de la violence
du mouvement de grève et légitime sa critique jusqu'à remettre en cause
son droit le plus strict dans la mesure où ce dernier n'est pas
consensuel. C'est d'ailleurs en ce sens qu'il a été réformé au cours de ces dix dernières années, avec l'allongement du temps de préavis de grève et l'assurance, dans certains cas, d'un service minimum de travail. Tout amène à penser, dans les circonstances sociales, politiques et idéologiques actuelles, que le droit de grève est un droit sursitaire.
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