A propos des « briseurs de grève »,
Par Nathalie Kosciusco-Morizet, le 23 décembre 2011
"Alors qu’une polémique est en train de naitre sur le respect du droit de grève, au motif que les forces de l’ordre sont sollicitées pour effectuer les tâches de vérification (fouille des bagages, palpation) obligatoire sur les voyageurs qui prennent l’avion, je voudrais préciser quelques points.
Tout d’abord, donner une définition du droit de grève, qui peut être trouvée par tout un chacun sur Wikipedia
La grève est donc « une action collective visant à appuyer les
revendications des salariés en faisant pression sur l’employeur par la
perte de production que la cessation de travail entraine. » Il s’agit d’un rapport de force : le gréviste n’est pas rémunéré
alors que l’entreprise ne produit plus, et donc perd de l’argent.
L’exercice du droit de grève est garanti par l’alinéa 7 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 :
Enfin, je rappelle également que les conflits sociaux en cours dans
les aéroports n’opposent pas l’état aux grévistes, mais les grévistes à
leurs employeurs privés. Si les employeurs avaient recours, par exemple,
à une main d’œuvre intérimaire, pour remplacer les grévistes, ils
seraient dans l’illégalité (Article L1251-10 du code de travail).
C’est pourquoi l’employeur, qui ne paye pas les salariés grévistes,
ne peut embaucher des intérimaires pour délivrer le service à leur
place, c’est-à-dire continuer à gagner de l’argent malgré la grève.
Je ne fais pas partie de ceux qui croient pouvoir se réjouir de tout
conflit social, et qui pensent qu’ils peuvent y engranger des voix, des
votes, ou des adhésions à leurs boutiques politiques. Bien entendu, je
souhaite la fin de ce conflit. Mais les solutions pour y mettre fin sont
entre les mains des salariés des entreprises de sécurité, et de leurs
employeurs. Le Gouvernement peut aider, en nommant des médiateurs, mais à
aucun moment nous ne sommes intervenus pour mettre fin d’autorité au
conflit.
Alors, remplacer les grévistes par les forces de l’ordre pour assurer
les mesures de sécurité obligatoires à l’embarquement est-il une remise
en cause du droit de grève ?
Non, puisque l’employeur n’étant par définition pas en capacité de
délivrer complètement le service, il perd de l’argent, des pénalités lui
étant infligées par son donneur d’ordre. Les entreprises prestataires
de la DGAC et d’ADP ne sont pas payées pour des prestations qu’elles ne
rendent pas. C’est une évidence qu’il convient semble-t-il de rappeler.
La grève en cours crée un manque à gagner pour ces entreprises, et met
donc la pression sur ses dirigeants, comme toute grève.
Que les voyageurs embarquent ou non, le rapport de force entre les
employés et les employeurs reste le même. Le gouvernement n’intervient
que pour éviter que les voyageurs fassent les frais de ce conflit
social, mais il ne modifie pas les termes de ce conflit.
Permettre aux voyageurs de partir, est-ce affaiblir les salariés dans leur épreuve de force avec leurs patrons ?
Non, et d’ailleurs si la gêne occasionnée aux usagers avait été le
souci principal des employeurs, on n’en serait pas là. Les discussions
auraient pu démarrer dès le dépôt du préavis de grève. Tout faire pour
que les français ne pâtissent pas de ce conflit, c’est ma
responsabilité, on voit bien que ce n’est pas celle des parties
prenantes de ce conflit. Chacun son rôle donc, mais qu’on ne vienne pas
nous accuser de briser une grève quand nous tentons de faire en sorte
que les français puissent prendre l’avion !
Solliciter les forces de l’ordre pour assumer les tâches de contrôle
des voyageurs et de leurs bagages, de manière exceptionnelle, et dans
une période exceptionnelle de départs pour les fêtes de Noël, ce n’est
donc en rien prendre position contre les salariés dans ce conflit. C’est
prendre position pour les usagers, tout en aidant à trouver une
solution par la médiation.
Le reste n’est que basse polémique. Et ceux qui se réjouissent du
durcissement du conflit ne sont probablement pas ceux qui font des
sacrifices sur leur salaire en se déclarant grévistes. Comme d’habitude,
les conseilleurs ne sont pas les payeurs.
Plus largement, cette idée fixe qu’on nous assène et qui consiste à
prétendre qu’une grève efficace est une grève qui a des conséquences sur
une majorité de personnes en dehors de l’entreprise, est une idée qui
me semble dangereuse, à terme, pour le droit de grève lui-même.
Il y a en effet une confusion dangereuse entre les perturbations
vis-à-vis du public, qui sont des conséquences de la grève, et son
objectif, qui est de perturber le processus de production d’une
entreprise, pour obtenir satisfaction sur des revendications.
A ce compte, si la SNCF met en place des trains spéciaux pour
acheminer des voyageurs qui ne peuvent pas prendre l’avion à cause d’une
grève dans un aéroport, on traitera également la SNCF de briseur de
grève ?
Parler, comme Marie-George Buffet l’a fait hier, de « pays occupé »
quand les forces de l’ordre sont à pied d’œuvre pour assurer la sécurité
des voyageurs, je trouve cela indécent.
A-t-on réquisitionné les grévistes ? Non.
A-t-on envoyé la police contre les grévistes ? Non.
A-t-on envoyé la police contre les grévistes ? Non.
Les images d’Epinal d’une certaine gauche, qui veut nous faire croire
que nous sommes encore sous le Consulat, et qu’on envoie la police pour
« mater les grévistes », sont consternantes.
La responsabilité qui est la notre, c’est de ne pas laisser ce
conflit social empêcher ceux de nos concitoyens qui partent rejoindre
leur famille pour les fêtes de fin d’année de le faire. Il y a aussi
chez les voyageurs des concitoyens qui travaillent dur toute l’année,
qui sont en peine de boucler les fins de mois, qui prennent des vols pas
cher pour enfin penser à autre chose qu’aux tracas quotidiens. Leur
permettre de décoller, sans remettre en cause la grève elle-même, c’est
un minimum. Des milliers de nos concitoyens ont effectué des
réservations des mois à l’avance, pour pouvoir se payer ce transport et
passer des fêtes de fin d’année en famille. Ceux-là n’ont pas le loisir
de prendre un autre vol, ou de se faire rembourser plus tard. Ils
prennent l’avion, ou ils restent chez eux. C’est aussi à eux que je
pense.
Les grévistes n’en veulent pas aux usagers, et je ne veux pas que les
usagers en veulent aux grévistes. Ceux dont le métier semble être
devenu de souffler sur les braises devraient s’arrêter un instant et se
demander ce qu’ils veulent, au fond. Monter les uns contre les autres ?
Capitaliser sur la colère des uns et des autres ?
En prenant nos responsabilités, tout en protégeant le droit de grève
et en facilitant l’obtention d’un accord qui, in fine, ne peut être
conclu qu’à l’intérieur des entreprises privées concernées, nous faisons
le travail qu’un Gouvernement responsable doit faire."
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