samedi 30 mai 2009

Le pari du RSA

Le Monde 29/05/09

En dépit de la récession, le revenu de solidarité active (RSA) va remplacer, à compter du 1er juin, comme c'était prévu, le revenu minimum d'insertion (RMI), instauré par Michel Rocard en 1990. C'est une bonne nouvelle et un pari. Le RSA est la grande réforme sociale du quinquennat de Nicolas Sarkozy, comme les 35 heures pour Lionel Jospin et Martine Aubry, entre 1997 et 2002. Quitte à ce que le RSA ait le même effet boomerang que les 35 heures... M. Sarkozy assume ce risque.


C'est il y a quatre ans, en 2005, que Martin Hirsch, alors président d'Emmaüs France, soucieux de faire du combat contre la pauvreté une cause nationale, avait inventé le RSA. Il s'agissait de sortir du "piège à pauvreté" qu'était devenu un RMI dont les bénéficiaires avaient intérêt à ne pas travailler pour ne pas perdre leurs prestations. Avec le RSA, qui a été expérimenté depuis plus d'un an dans 33 départements et concerne 3,1 millions de foyers (6,8 millions de personnes), se met en place un outil juste et astucieux qui favorisera le retour à l'emploi en garantissant un revenu tiré du travail supérieur à celui de l'assistance.

Devenu haut-commissaire aux solidarités actives, après avoir fait inscrire son RSA dans le programme présidentiel de Ségolène Royal, M. Hirsch s'est battu avec énergie pour faire passer une réforme qui prenait à rebrousse-poil une grande partie de la droite, jusqu'au sein du gouvernement. Il a ainsi obtenu un financement par une taxe sur les revenus de patrimoine et de placement qui, bouclier fiscal oblige, exonère, au grand dam de la gauche et des syndicats, les plus hauts revenus.

Le RSA est une réforme socialement juste qui a besoin de la croissance pour être efficace économiquement. Sa mise en oeuvre en pleine récession est à hauts risques. M. Hirsch espère que le RSA va soutenir le pouvoir d'achat des travailleurs pauvres, avec la distribution de 1,5 milliard d'euros en année pleine à des bénéficiaires prompts à consommer. Le nouvel outil devrait ainsi jouer d'abord un rôle d'amortisseur face au choc de la crise.

Le pari sera d'autant plus difficile à tenir que Pôle emploi a les pires difficultés, alors que le chômage explose, à remplir ses missions d'accompagnement personnalisé des chômeurs. Alors que de 300 000 à 400 000 demandeurs de RSA vont solliciter Pôle emploi d'ici un an, il est déjà débordé. L'autre effet pervers tient à la qualité des emplois offerts. En temps de crise, le patronat sera tenté de faire du RSA une trappe à bas salaires. Si, au final, la réforme devait réduire la pauvreté au profit de la précarité, le pari serait perdu.

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