Ils sont encore inconnus mais ils écrivent déjà quelque part, sur des bouts de papier, dans un coin de leurs têtes, les plus belles pages qui soient. On les reconnaitra plus tard à travers l'éclat noir de leur plume, témoins de cette misère qui gangraine leur époque. Ils vivent du silence et de la poésie, des vieux os de la littérature, du gargouillement de leur ventre, de leur ombre le soir pendant la promenade. Ils ont fait tous les métiers, courbés l'échine au prix de leur amour-propre. Les yeux noirs de cernes et la bouche pleine de mots nouveaux ils murmurent tout bas. On peut les surprendre à parler seuls comme des cloches. Ne vous y fiez pas car ils incarnent la haine d'aujourd'hui et l'invention de demain. Ils portent sur ce monde qui les entoure le regard lucide de l'être-jeté dans la boue. Ils habitent sous les toits, comme en 1888. Balzac ou Zola, Rimbaud, Verlaine, ils connaissent ceux-là. (Les Tenardier sont leurs voisins. Ils ont aujourd'hui un 4x4 à crédit, ils roulent à fond pour le plaisir, leur maison elle aussi est à crédit, la fille de 16 ans se prostitue depuis l'âge de 10 ans en rêvant de faire de la télé!) A côté sur les trottoirs désertés marchent des Hommes de nulle part et de toutes les époques. Ils comparent l'histoire, racontent tout bas ce que taisent les journaux. Ces hommes dont je parle, forment un peuple, pas une tribu. Un peuple qui n'a pas de nom, qui s'ignore. Un peuple qui n'a pas pris la parole en ce nom. Ils ne font pas de la littérature, du théâtre lyophilisé. Ils savent l'éphémère qu'ils conjuguent à tous les temps. Ils traînent devant les cafés, jadis sordides, ceux qui sentent aujourd'hui la javel. Ils n'ont de toute façon plus de fric pour entrer. Leur royaume est dehors, leurs chroniques sont les saisons. Pas dans le ciel et la rêverie mais le bitume et le sol. Devant cette morale pudibonde, qui sent si bon la rosette et le sermon. Loin des églises, des lieux de prières quel qu'ils soient. Ils sont autonomes. Ils s'opposent à la croyance. Car ces moins-que-rien, contrairement à l'opinion, ces étrangers, sont les garants de la raison.
samedi 6 septembre 2008
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