A mon grand ami D. qui évolua lui aussi dans l'une de ces cours d'école...
J’avais sans doute alors dix ans, j’étais élève à l’école primaire du quartier. A quoi tenait le dessein de mon existence ? Je rêvais indéniablement comme un enfant triomphant des succès remportés au football dans la cour de son école. Je me souviens du soleil qui frappait à midi, à partir du printemps, du bonheur et de la chaleur qui m’envahissaient communément lorsque j’entrai dans ce théâtre quotidien. La lumière se manifestait également par la bonté des copains qui saluaient l’entrée d’un des leurs sur le terrain. En ce temps-là nous jouions contre les grands sous l’égide de la Sainte-Marie qui servait occasionnellement de poteau à l’un des buts que nous établissions. Mon grand-père nous déposait, mon frère et moi, une demie-heure avant la reprise de 13h30. C’était notre plaisir d’être là en avance car nous voulions profiter au maximum de ce temps de jeu. Comme chacun, j’avais hérité du nom d’un joueur qui évoluait dans le championnat national. On me prêta ainsi le nom de « Safet Susic » qui jouait alors dans l’un des clubs de la capitale. Je fus baptisé plus tard - à mon grand regret, « Yougo », en référence à la nationalité de ce dernier. Nous étions alors ostensiblement les meilleurs, les maîtres incontestés de la terre devant l’enfantement du ballon et le regard bienveillant de la Vierge. Tout se jouait là, car nous mimions avec tant de démesure, d’application, de légèreté et de gravité, notre perspective sur l’entrebâillement grotesque du monde adulte. C’est à travers l’exercice du football que nous devenions des "Hommes", des "Mench", que nous étions amenés à le devenir, dans un rapport exclusif « entre-soi », puisque cette cour de bitume fut de tout temps réservée aux garçons, même en cette fin des années 80. Mais parallèlement à tout cela, je garde l’image d’une expérience malheureuse éprouvée à cette époque. Je me souviens avoir pensé ces instants, qui suivaient l’appel retentissant de la cloche, observé la froideur jetée par ces secousses métalliques. Cette cour n’était que le théâtre d’un exutoire derrière lequel nous chutions et redevenions des enfants, soumis aux règles d’un autre ordre, d’un autre temps. Je me souviens avoir ressenti, au fond de moi, cette violente tristesse, ce sentiment d’injustice, comme enlevé ou arraché à la promesse de vivre pour le bonheur. J’éprouvais physiquement cet abandon au moment où l’ombre du bâtiment, tel un couperet, venait froidement s’abattre sur ma nuque et lorsque nous étions inviter à rentrer dans les rangs avant de monter vers la classe. J’associais l’école à cette froideur, à ces instants passés dans l’ombre d’un établissement austère. Cette impression brève est restée pour moi représentative et à jamais constitutive d’une ancre référentielle, d’un langage inoubliable et fondamental.
Y.
7 commentaires:
Aux élèves de l'école de Sainte-Anne du Bourg de Plzn...
Ce sont des gens que je ne souhaite aucunement revoir. Ni ceux du collège, ni du lycée... Et la grande école, UBO, peut-être que oui peut-être que non.
J'apprécie aussi ce qu'il y a de castration dans la sonnerie qui fait cesser le plaisir ainsi qu'une guillotine.
Tu vas rire mais moi j'étais Zlatko Vujovic, le buteur girondin.
A saint Anne, la cour n'est plus maintenant exclusivement réservée aux garçons, aux footballeurs en herbe.
Place à la tektonik...
Il y a toujours une marelle. Il y a peu de temps, sur le parvis de l'église saint Louis, on dansait la Tektonik. La performance était filmée.
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