jeudi 19 août 2010

Extraits de L'insurrection publiés dans Le Journal Libération, La Fabrique

L'insurrection, Editions de La Fabrique

De gauche à droite, c’est le même néant

«Sous quelque angle qu’on le prenne, le présent est sans issue. Ce n’est pas la moindre de ses vertus. A ceux qui voudraient absolument espérer, il dérobe tout appui. Ceux qui prétendent détenir des solutions sont démentis dans l’heure. C’est une chose entendue que tout ne peut aller que de mal en pis. "Le futur n’a plus d’avenir" est la sagesse d’une époque qui en est arrivée, sous ses airs d’extrême normalité, au niveau de conscience des premiers punks. La sphère de la représentation politique se clôt. De gauche à droite, c’est le même néant qui prend des poses de cador ou des airs de vierge, les mêmes têtes de gondole qui échangent leurs discours d’après les dernières trouvailles du service communication. (page 7)

Un champ hostile de stratégies

Il n’y a pas à s’engager dans tel ou tel collectif citoyen, dans telle ou telle impasse d’extrême gauche, dans la dernière imposture associative. Toutes les organisations qui prétendent contester l’ordre présent ont elles-mêmes, en plus fantoche, la forme, les mœurs et le langage d’États miniatures. Toutes les velléités de "faire de la politique autrement" n’ont jamais contribué, à ce jour, qu’à l’extension indéfinie des pseudopodes étatiques. Il n’y a plus à réagir aux nouvelles du jour, mais à comprendre chaque information comme une opération dans un champ hostile de stratégies à déchiffrer, opération visant justement à susciter chez tel ou tel, tel ou tel type de réaction; et à tenir cette opération pour la véritable information contenue dans l’information apparente. (page 82)

Savoir se battre

Il s’agit de savoir se battre, crocheter des serrures, soigner des fractures aussi bien que des angines, construire un émetteur radio pirate, monter des cantines de rue, viser juste, mais aussi rassembler les savoirs épars et constituer une agronomie de guerre, comprendre la biologie du plancton, la composition des sols, étudier les associations de plantes et ainsi retrouver les intuitions perdues, tous les usages, tous les liens possibles avec notre milieu immédiat et les limites au-delà desquelles nous l’épuisons ; cela dès aujourd’hui, et pour les jours où il nous faudra en obtenir plus qu’une part symbolique de notre nourriture et de nos soins. (page 96)

Multiplier les zones d’opacité

Le territoire actuel est le produit de plusieurs siècles d’opérations de police. On a refoulé le peuple hors de ses campagnes, puis hors de ses rues, puis hors de ses quartiers et finalement hors de ses halls d’immeuble, dans l’espoir dément de contenir toute vie entre les quatre murs suintants du privé. La question du territoire ne se pose pas pour nous comme pour l’État. Il ne s’agit pas de le tenir. Ce dont il s’agit, c’est de densifier localement les communes, les circulations et les solidarités à tel point que le territoire devienne illisible, opaque à toute autorité. Il n’est pas question d’occuper, mais d’être le territoire. (page 97)

Rendre à la neige le petit écran

Pour la méthode, retenons du sabotage le principe suivant : un minimum de risque dans l’action, un minimum de temps, un maximum de dommages. Pour la stratégie, on se souviendra qu’un obstacle renversé mais non submergé - un espace libéré mais non habité - est aisément remplacé par un autre obstacle, plus résistant et moins attaquable. Inutile de s’appesantir sur les trois types de sabotage ouvrier : ralentir le travail, du "vas-y mollo" à la grève du zèle; casser les machines, ou en entraver la marche ; ébruiter les secrets de l’entreprise. Elargis aux dimensions de l’usine sociale, les principes du sabotage se généralisent de la production à la circulation. L’infrastructure technique de la métropole est vulnérable : ses flux ne sont pas seulement transports de personnes et de marchandises, informations et énergie circulent à travers des réseaux de fils, de fibres et de canalisations, qu’il est possible d’attaquer. Saboter avec quelque conséquence la machine sociale implique aujourd’hui de reconquérir et réinventer les moyens d’interrompre ses réseaux. Comment rendre inutilisable une ligne de TGV, un réseau électrique? Comment trouver les points faibles des réseaux informatiques, comment brouiller des ondes radios et rendre à la neige le petit écran ? (page 100)

S’appuyer sur les crises sociales

La dévastation de la Nouvelle-Orléans par l’ouragan Katrina a donné l’occasion à toute une frange du mouvement anarchiste nord-américain de prendre une consistance inconnue en ralliant tous ceux qui, sur place, résistent au déplacement forcé. Les cantines de rue supposent d’avoir pensé au préalable l’approvisionnement; l’aide médicale d’urgence exige que l’on ait acquis le savoir et le matériel nécessaires, tout comme l’installation de radios libres. Ce qu’elles contiennent de joie, de dépassement de la débrouille individuelle, de réalité tangible insoumise au quotidien de l’ordre et du travail garantit la fécondité politique de pareilles expériences. Dans un pays comme la France, […] c’est moins sur les crises "naturelles" qu’il faut compter que sur les crises sociales. C’est aux mouvements sociaux qu’il revient ici le plus souvent d’interrompre le cours normal du désastre. (page 109)

La fin de la centralité révolutionnaire parisienne

Le pouvoir ne se concentre plus en un point du monde, il est ce monde même, ses flux et ses avenues, ses hommes et ses normes, ses codes et ses technologies. Le pouvoir est l’organisation même de la métropole. […] Aussi, qui le défait localement produit au travers des réseaux une onde de choc planétaire. Les assaillants de Clichy-sous-Bois ont réjoui plus d’un foyer américain, tandis que les insurgés d’Oaxaca ont trouvé des complices en plein cœur de Paris. Pour la France, la perte de centralité du pouvoir signifie la fin de la centralité révolutionnaire parisienne. Chaque nouveau mouvement depuis les grèves de 1995 le confirme. Ce n’est plus là que surgissent les menées les plus osées, les plus consistantes. Pour finir, c’est comme simple cible de razzia, comme pur terrain de pillage et de ravage que Paris se distingue encore. Ce sont de brèves et brutales incursions venues d’ailleurs qui s’attaquent au point de densité maximale des flux métropolitains. (page 122)

lundi 16 août 2010

L'OM de Dassier

Dassier, "l'homme en toc"... Souvenons-nous du feuilleton Mancini durant le dernier marcato d'hiver, de la promesse d'un retour de Didier Drogba sur les pelouses du Vélodrome. Ces annonces de séducteur à destination de "supporters en rut" sont le seul recours, le seul jeu que mène désormais tout nouveau président, publicitaire, homme de communication, autre reconverti issu de la télévision et plus spécifiquement de TF1 (il y eut C. Villeneuve au PSG et on annonce désormais l'arrivée de P. Lelay à Rennes).

Des annonces, des effets de manche, des spéculations, de la demesure. Est-ce là sa manière de séduire les marseillais? "Vous aurez Drogba" aurait-il promis à son arrivée, comme pour marquer de son empreinte l'ère, la nouvelle, d'un homme tranchant dans ce milieu amoral, de langues de bois. S'imposant d'une voix ferme, assurée, maitrisant toutes les ficelles de la "communication", laissant entendre ainsi qu'il joue dans le registre des grands de la démagogie et du populisme. Un autre Tapis, quoi! On comprend mieux pourtant, c'était entendu. (On connait le sort réservé aux salariés d'IBM licenciés par le généreux Bernard, celui même qui apporta la victoire au club ! On leur pardonnerait tout !) C'est pourtant un homme de paille qui figure là, un homme de théâtre, un pantin, qui est là sans qu'on sache pourquoi. C'est ça le football, ça fonctionne désormais ainsi: par carnets d'adresse interposés, par réseaux. Son entrée sur la scène marseillaise, n'est pas sans rappeler d'ailleurs celle d'A. Boucher, précédemment apparu comme un "homme providentiel", lui aussi. Ils le sont tous à vrai dire, pourvus des mêmes qualités: "honnêtes", "droits", "fermes", "gestionnaire", "humains", établissant une transition nette avec l'ancien monde, incarnant fièrement le changement, etc. 

Ce Dassier ressemble pourtant à tant d'autres occupant ce poste dans d'autres clubs de football, dont on saisit mal le profil "Pôle-Emploi". On perçoit toutefois le portait d'une classe sociale outrancière, aisément dilettante, un peu comme ces ministres qui vont et viennent, d'un bord, de l'autre, avec cette même facilité parce qu'ils sauraient diriger et seraient fait pour ça. Dassier prête à rire et l'OM tout entier ,sous la baguette du maitre-d'oeuvre qui a montré toute l'étendue de son incompétence. On sait que Niang, l'attaquant vedette de Marseille, qui a indéniablement contribué à la bonne tenue du club au cours de ces cinq dernières années est depuis la semaine dernière la nouvelle recrue de l'équipe stambouliote de Fenerbaçe. C'est sans doute peu surprenant compte tenu des ambitions affichées par le club, par la voix de son entraineur qui a rappelé, dès son arrivée, la nécessité de recruter des joueurs de haut niveau. Le joueur sénégalais, bientôt âgé de 31 ans, a-t-il peut-être presenti qu'une page allait être tournée et que la machine à broyer de Deschamps aurait sa peau? Peut-être. Mais il semble que le contrat proposé au joueur marseillais constitue également un argument puisqu'il touchera un salaire d'environ 900.000 euros/mois. Le comique de la situation actuelle tient retrospectivement aux déclarations de Jean-Claude Dassier qui annonçait à propos du dossier Niang, dont on évoquait déjà le départ le 02 août dernier, avec cette fermeté qu'on lui connait : "Mamadou est au club et il y reste. Pas question de le laisser partir à huit jours de la reprise". On sent que l'homme maitrise son sujet. Dans la foulée il se clamait partout que le grand attaquant brésilien, Luis Fabiano allait débarqué à l'OM. Tartarin bombait le torse, Marseille exultait! Ce n'était en fait qu'un autre effet de manche, cousu dans l'improbabilité, un morceau dont on a le secret à Marseille, un grand air d'arbalette... "Le club est en crise", "va droit dans le mur" annonçait-on dans le journal L'équipe. Il présente en tout cas tous les symptomes de la déroute et du naufrage, mais le club garde toutefois son allant comique. Il ne reste plus que 15 jours aux dirigeants du club, avant la fermeture officielle du marché estival, pour trouver la perle rare: un remplaçant de classe internationale qui serait susceptible de faire oublier le départ précipité du grand "Mamad". Place maintenant à la gaudriole, à la farce, on parle à présent d'un plan B, Z, qu'importe... Et il y a malheureusement urgence, puisque seul Brandao compte en attaque! Le titre remporté par l'équipe de l'année passée semble déjà s'éloigner et il est d'ailleurs étonnant de songer au départ annoncé de B. Cheyrou et Ben Arfa, autres joueurs impliqués dans le succès de l'équipe olympienne ces deux dernières années...