A la fin des années soixante [1] et au début des années soixante-dix [2] le philosophe français Vladimir Jankélévitch s'était fermement exprimé et positionné sur la question du pardon, à partir d'une réflexion portée sur le crime perpétré par l'Allemagne nazie. Le premier texte publié par Jankélévitch, intitulé "Le pardon", s'inscrit sous un angle d'approche purement philosophique et souffrit aussi d'une certaine insatisfaction amenant l'auteur à compléter ces écrits à travers un second ouvrage plus passionné et par conséquent polémique, intitulé "L'imprescriptible". La nécéssité de reprendre ces propos soulève aussi une question sur l'entreprise philosophique qui a participé au débat. Ce qui est en cause, concède Jankélévitch, c'est la défiance que "le pardon pose à la logique pénale". Le pardon apparaît effectivement hors du temps, de l'espace pénal et semble régler ainsi la prescription ou l'imprescriptibilité des crimes. Le pardon s'avère aussi menaçant parce qu'il fait peser sur l'histoire la possibilité d'un oubli. Le philosophe, se méfiant alors du pardon, optera finalement pour la nécessité d'un "non-pardon" accentuant le devoir de mémoire. Il avance aussi deux éléments fondamentaux pour expliquer cette impossibilité et son positionnement. Le pardon ne peut être accordé et ne peut apparaître que dans un face à face, en réponse à une demande formulée, qui n'est jamais venue. Le noeud du problème se situe aussi dans la difficulté de "réconcilier l'irrationalité du mal avec la toute-puissance de l'amour. Le pardon est fort comme le mal, mais le mal est fort comme le pardon" . Ce qui soutient par extention l'idée que le pardon n'est pas à la portée de l'homme, dès lors que l'on observe une absence de symétrie entre le bien et le mal.
[1] Jankélévitch, V. 1967, Le Pardon, Paris, Aubier.
[2] Jankélévitch, V. 1986, L'impréscriptible, Pardonner? Dans l'honneur de la dignité, Paris, Seuil.
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