Notre premier sondage a montré que la singulière perspective du tableau de Salvador Dali, intitulé Le Christ de Saint Jean de La Croix (1951), illustrant la crucifixion en plongée était perçue comme Vertigineuse, à 41%, Mortelle, à 35%, Casse-Gueule, à 17% et Rassurante, à 5%.
17 personnes ont participé:
Rassurant ! 1 votant (5%)
Casse-gueule ! 3 votants (17%)
Mortel ! 6 votants (35%)
Vertigineux ! 7 votants (41%)
Analyse:
On constate en somme que la position du Père reste délicate (Vertigineuse !) et que peu de gens seraient près à l’adopter et à soutenir l’affront de voir leur fils mourir en d’atroces souffrances (Mortel !), en d’autres termes c’est une position « Casse-Gueule », à condition de connaître les secrets de la Résurrection. La situation devient alors Rassurante !
Un Grand Malade a donc voté et nous savons qui c'est...

Nous l'avons retrouvé et lui avons posé quelques questions essentielles à la compréhension de cette oeuvre étonnante et magistrale.
EXTRAIT:
Notre reporter: Vous prendriez-vous pour Dieu le Père? Saviez-vous que la place était déjà prise et même très disputée au moment de réaliser cette toile ?
Dali: Voyez-vous, j'ai tenté au contraire de démocratiser l'espace, car je pense que le ciel est un concept fondamental qui n'est qu'une frontière de l'esprit, c'est pourquoi j'ai représenté cette vue pour penser le lien entre le spectateur et le Père et signifier ainsi la nécessité de réhabiliter la crucifixion à sa juste place, soit au milieu [...]
COMMENTAIRE:
La composition de cette œuvre populaire, sans doute la plus représentative de la période mystique de Dalí, est inspirée d’un dessin réalisé par saint Jean de la Croix au cours d’une extase et qui est conservé au couvent de l’Incarnation à Avila. Le point d’eau représenté en bas sur le tableau évoque la baie du Port de Lligat où vécut le peintre, en Catalogne. Le personnage présent à côté du bateau et la mise en scène sont une référence à un tableau de Velásquez, intitulé La Reddition de Breda, qui doit son nom à l’événement datant de 1635. Ce tableau s’illustre par la structuration de l’espace et l’intégration de l’homme au rang de paysage, ce qui caractérise l’âge classique.
Salvador Dalí avait livré quelques commentaires sur sa période mystique et a ainsi donné quelques pistes quant à son choix de perspective. On découvre que la représentation du ciel est d’ailleurs déterminante dans son travail -ce qui illustre la pertinence de notre questionnement, notre modestie ou l'aspect contagieux de sa mégalomanie :
« Le Ciel, voilà ce que mon âme éprise d’absolu a cherché tout au long d’une vie qui a pu paraître à certains confuse et, pour tout dire parfumée au soufre du démon. Le Ciel ! Malheur à celui qui ne comprendra pas cela. […] Le Ciel ne se trouve ni en haut, ni en bas, ni à droite, ni à gauche, le Ciel est exactement au centre de la poitrine de l’homme qui a la Foi. »

Dalí nous a donné plus tard sa vision du mysticisme, qui apparut à la fin des années 40. Période durant laquelle tout bon artiste surréaliste, désormais à l'abri du danger, s'est engagé :
« L’explosion atomique du 6 août 1945 m’avait sismiquement ébranlé. Désormais l’atome était mon sujet de réflexion préféré. Bien des paysages peints durant cette période expriment la grande peur que j’éprouvais à l’annonce de cette explosion, j’appliquais ma mémoire paranoïaque-critique à l’exploration de ce monde. Je veux voir et comprendre la force des lois cachées des choses pour m’en rendre maître évidemment. Pour pénétrer au cœur de la réalité, j’ai l’intuition géniale que je dispose d’une arme extraordinaire : le mysticisme, c’est-à-dire l’intuition profonde de ce qui est, la communication immédiate avec le tout, la vision absolue par la grâce de la vérité, par la grâce divine. Plus fort que les cyclotrons et les ordinateurs cybernétiques, je peux en un instant pénétrer les secrets du réel... À moi l’extase ! m’écriai-je. L’extase de Dieu et de l’homme. À moi la perfection, la beauté, que je puisse la regarder dans les yeux. Mort à l’académisme, aux formules bureaucratiques de l’art, au plagiat décoratif, aux aberrations débiles de l’art africain. À moi Thérèse d’Avila !… C’est dans cet état de prophétisme intense que je compris que les moyens d’expressions picturaux ont été inventés une fois pour toutes avec le maximum de perfection et d’efficacité à la Renaissance et que la décadence de la peinture moderne vient du scepticisme et du manque de croyance, conséquence du matérialisme mécaniste. Moi, Dalí, réactualisant le mysticisme espagnol je vais prouver par mon œuvre l’unité de l’univers en montrant la spiritualité de toute substance.»
Rappelons que l'Espagne crevait à l'époque sous la dictature franquiste et qu'il fût bon alors de réactualiser le mysticisme espagnol.
Shalom.
Y.
1 commentaire:
Et si Dieu existait, j'y pense seulement maintenant... Et s'il s'agissait simplement d'un être sensible atteint de vertiges, cela expliquerait beaucoup de choses...
Y.
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